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artistiques et mondaines, qui visitaient l’Allemagne. Ce sont ces attentions individuelles, agrémentées de quelques politesses à l’adresse du gouvernement républicain ou de personnages en évidence, qu’il considérait comme des avances. Ses conversations avec Coquelin et Mlle Granier ont amusé les Parisiens qui le remerciaient par un compte-rendu de journal aimablement troussé et se croyaient quittes envers lui. Les gracieusetés impériales ont-elles été suivies d’une nouvelle orientation de la politique allemande plus favorable à la France ? Il n’en fut jamais question. Des offres de collaboration ou d’association dans des entreprises économiques, intéressant les ressortissans des deux pays au Maroc, furent faites, sans aucun succès d’ailleurs, après l’accord de 1909 ; mais il ne faudrait pas les attribuer au bon vouloir de Guillaume II pour des voisins qu’en réalité il détestait. C’est par sa séduction qu’il prétendait les conquérir ; en quoi sa vanité l’abusait, bien qu’à certains momens et sur sa réputation de pacifiste, sa personne n’ait pas été impopulaire à Paris.

Il était revenu depuis quelque temps de ces accès de bienveillance, après en avoir constaté l’inutilité, et il accentuait au contraire, à l’égard des voyageurs français qui lui étaient présentés, ses manières hautaines et cassantes dans les derniers mois avant la guerre. Il a dit alors devant moi, en février 1914, un soir de bal à la Cour, dans une conversation à laquelle prit part mon compatriote et ami, le baron Lambert, cette phrase plus pittoresque que conforme à la vérité, qu’il aimait à répéter, car il s’en était déjà servi avec d’autres diplomates : « Souvent j’ai tendu la main à la France : elle ne m’a répondu que par des coups de pied ! » Son amertume se répandit ensuite contre la presse parisienne, qui attaquait l’Allemagne journellement et sans mesure. Il finit sur un ton grave par déclarer avec cette mimique expressive qui donnait tant de poids à ses paroles « qu’on devrait prendre garde, à Paris, parce qu’il ne serait pas toujours là ! » Or, lorsqu’il discourait ainsi, la guerre était déjà résolue dans son esprit, comme on le verra plus loin. Que signifiait donc ce langage ? Etait-ce, de sa part, comédie, duplicité ? Fallait-il y voir plutôt le souci d’accumuler des griefs, pour justifier ses actes futurs ?

Puisqu’il se faisait remettre régulièrement les coupures des organes français nationalistes où son gouvernement était