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consolation à accorder à la famille de la fiancée. Ce fut, on se le rappelle, en vue de soutenir les prétentions de son père, le duc d’Augustenburg, à l’héritage du Slesvig et du Holstein, que la Diète de la Confédération germanique déclara la guerre, en 1864, au nouveau roi de Danemark, Christian IX. Dans le règlement de comptes final du traité de Prague, la Prusse s’adjugea les deux duchés. Plus tard la duchesse d’Augustenburg eut le stérile honneur de voir sa fille appelée à s’asseoir sur le trône des Hohenzollern. Ce mariage politique s’est trouvé être un mariage bien assorti, dans le sens bourgeois du mot. Le bonheur semble lui avoir été assuré, par la loi habituelle des contrastes, par la différence des caractères : l’un tout en dehors, tout en relief, passionné de réclame et de bruit ; l’autre calme, pondéré et modeste.

L’Impératrice n’a rien, au physique ni au moral, de la célèbre Louise de Prusse, la femme de Frédéric-Guillaume III, ce prince vain et médiocre, dont Napoléon, plein de mépris pour les Hohenzollern, disait qu’il avait l’air d’un tailleur au milieu de rois. Les deux reines ne se ressemblent que par leur fécondité conjugale, par le nombre de princes dont elles ont enrichi, l’une et l’autre, une race qui n’est pas près de s’éteindre. Mme de Staël dépeignait dans ses lettres à son père, pendant son séjour à Berlin, la reine Louise comme la plus jolie femme de la Cour. Et cependant, quelques années plus tard, cette beauté, rendue plus touchante par une prodigieuse infortune, ne put pas fléchir le cœur de marbre du vainqueur d’Iéna. Nulle figure n’est plus populaire dans l’Allemagne contemporaine, plus idéalisée par ses admirateurs, historiens et poètes, peintres et sculpteurs. En sera-t-il de même de l’impératrice Augusta-Victoria ? Il est permis d’en douter. Elle tentera surtout des pinceaux ou des ciseaux officiels. Mais viennent des jours sombres pour la famille impériale et, après une apothéose prématurée, une Gotterdammerttug, un déclin orageux du Césarisme germanique, alors sans doute l’épouse dévouée trouvera, comme la reine Louise, dans son affection inébranlable, les accens nécessaires pour soutenir l’époux désespéré ; elle l’aidera à supporter des malheurs qu’il n’aura que trop mérités.

Il ne faudrait voir la hohe Dame, comme l’appellent respectueusement les journaux berlinois, que dans le cadre de la vaste salle blanche du palais, un soir de bal à la Cour. La