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de la liberté, telle que Treitschke l’entrevoyait chez ses concitoyens vers 1870, ayant ses racines dans l’idée de devoir, c’est-à-dire, en matière politique, dans l’obéissance au régime établi, ne sera plus celle de l’Allemagne de l’avenir ; elle n’est plus déjà, me semble-t-il, celle de la majorité des Allemands d’aujourd’hui. Ils conçoivent une liberté fondée plutôt sur l’idée du droit que sur celle du devoir : en d’autres termes, sur la faculté pour la nation de participer par ses représentans au gouvernement de l’Empire. De beaux conflits sont donc en perspective entre un prince de la mentalité du Kronprinz et un Reichstag à moitié ou aux trois quarts socialiste, à supposer que ces conflits n’éclatent pas bien avant son avènement.


III

Les cinq autres fils de l’Empereur ne font pas parler d’eux. Comme les peuples heureux, ils n’ont pas d’histoire. Ils laissent à leur aîné les ambitions politiques et la course à la popularité., Leur existence se partage agréablement entre le service militaire, moins rude pour des princes que pour de simples officiers, les plaisirs mondains et la pratique des sports. Un seul est entré dans la marine où le métier est certainement plus dur que dans l’armée. Trois autres, comme officiers de la Garde royale, tenaient garnison à Potsdam, en passant la saison des fêtes à Berlin. Le dernier, à sa sortie de l’université de Strasbourg, a été relégué en province.

On apercevait de temps en temps en hiver les uns ou les autres des jeunes couples princiers dans des salons diplomatiques. N’allez pas vous imaginer qu’ils recherchaient la société des ambassadeurs et des ministres étrangers. Ils n’ont aucune considération particulière pour les représentans des gouvernemens de l’ancien et du nouveau monde et professent en général, comme le héros d’Alfred de Musset,

Le plus large mépris des peuples et des rois.

Leur horizon est limité à l’Allemagne ; il se rétrécit même aux frontières de la Prusse. L’intérêt qui consisterait à s’instruire à bonne source des institutions politiques, de la situation intérieure ou de l’état de l’opinion publique dans les