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autres pays ne les excite guère, pas plus qu’il ne tente la curiosité du Kronprinz. Un shake hands, rapide et silencieux, était tout ce qu’ils accordaient le plus souvent aux chefs de mission étrangers. Mais, dès que l’un d’eux réunissait quelques violons pour un bal ou pour une sauterie intime, les princes lui faisaient volontiers l’honneur de s’y inviter. Les salons diplomatiques n’étaient pour eux que des salons de danse et de flirt.

Leur raideur se manifestait surtout dans leurs relations avec les autres princes allemands. Qui les a étudiés dans les cérémonies officielles, mariages, funérailles, inaugurations de monumens, où se retrouvaient les représentans des maisons royales et princières de l’Empire, aura été frappé de leur attitude. Ils se tenaient ensemble, ils faisaient groupe à part, comme pour bien montrer au public qu’ils étaient la race dominante et les autres des comparses ou des vassaux. Cette hautaine opinion qu’ils ont d’eux-mêmes et de la grandeur de leur maison ne leur interdisait pas cependant de s’humaniser quelquefois pour certains membres des familles ayant le précieux avantage d’être apparentées à celle des Hohenzollern.

Une question vient tout naturellement sur les lèvres des étrangers, curieux de l’avenir de l’Allemagne : Est-ce un bonheur, ou simplement une charge pour l’Etat prussien de posséder une race royale aussi nombreuse ? Précisez, si vous le voulez, l’interrogation ; demandez à des Allemands sincères qui ne craignent pas de dire leur pensée si des princes, vivant une vie aussi à part, à l’écart des idées et des préoccupations modernes, et réfractaires à toute tendance libérale, sont utiles ou nuisibles à leur famille et à leur patrie. La réponse ne sera pas douteuse.

Une individualité plus intéressante es ! le prince Henri, frère de l’Empereur. On peut dire de ce « brillant second » de Guillaume II qu’il est un modèle de dévouement fraternel. Extérieurement, il présente un vivant contraste avec son frère, et leur dissemblance s’accentue davantage encore au moral. Plus grand, plus élancé, plus vigoureux, le teint hâlé par les vents de la Baltique, il a un abord simple et franc, une affabilité naturelle, sans apparence de pose ni de hauteur. Ses apparitions à la Cour n’étaient jamais de longue durée ; à peine y était-il annoncé qu’il avait hâte de rejoindre à Kiel son poste