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nous donnent la clef de l’énigme. Ils éclairent d’un jour discret et suffisant la politique d’expansion recommandée à la Wilhelmstrasse.

Le livre, l’Allemagne impériale, est l’œuvre du prince de Bülow, qui a rompu le silence où il se renfermait dans sa retraite pour retracer l’histoire de la politique de l’Empire pendant un quart de siècle et indiquer la voie qu’elle devrait continuer de suivre tant à l’intérieur qu’au dehors.

Suivant la thèse de l’ex-chancelier, l’Allemagne actuelle ne peut plus s’en tenir à la politique continentale de Bismarck et obéir aux préceptes légués par lui à ses successeurs. Elle doit se frayer de nouveaux et de plus larges chemins, en raison des progrès accomplis depuis trente ans. La population a augmenté de vingt millions d’âmes pendant ce laps de temps, et l’industrie, favorisée par un accroissement énorme de bras, a traversé les mers afin d’écouler dans le monde entier ses produits que le marché intérieur n’était plus à même d’absorber. La production industrielle a nécessité la création d’une flotte commerciale, dont les unités se multiplient d’année en année, et le développement de la marine marchande a entraîné la construction d’une flotte de guerre imposante. Entreprise difficile, car il était impossible de ne point éveiller la jalousie de l’Angleterre et il fallait se garder, pour réussir, de provoquer son hostilité. L’Angleterre voit de mauvais œil la croissance de toute puissance navale, ambitieuse de lui disputer un jour l’empire des mers. Ce n’est pas là ce que cherchait l’Allemagne, comme jadis s’y sont essayées la France de Louis XIV et la République des Provinces-Unies. Quoique la flotte allemande soit devenue, en quelques années, la seconde de l’univers, elle n’a pour mission que de veiller sur les intérêts et le commerce germaniques, d’empêcher qu’ils ne soient molestés. De même que l’industrie allemande, de nationale et d’intérieure qu’elle était autrefois, est devenue internationale, de même la politique allemande, d’européenne qu’elle était au temps de Bismarck, n’ayant alors d’autre objectif que de garder à l’Allemagne la place qui lui revenait au premier rang des Puissances du vieux continent, est devenue, elle aussi, internationale. M. de Bülow a soin d’insister sur le rôle purement défensif qui est assigné à la flotte impériale et, pour nous rassurer sur le but pacifique que poursuivait la politique nouvelle de l’Empire, il cite le