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partant d’une masse bien inférieure à nos balles de shrapnell. Il est évident, dans ces conditions, que leur force vive est moindre, et que les blessures causées par elles sont beaucoup moins étendues et partant moins graves. D’autre part, et surtout, le corps de notre obus à balles est beaucoup mieux fait que celui de l’obus allemand : pour produire son effet maximum, le petit canon aérien qu’est le shrapnell doit naturellement projeter sa charge de balles, vers l’avant, avec la plus grande force possible. Pour cela, il doit rester intact et ne s’ouvrir qu’à son extrémité antérieure. Si la poudre qu’il contient et qui ne doit faire éclater que l’extrémité ogivale de l’obus et chasser, par l’ouverture produite, les balles ; si cette poudre fait éclater en même temps le corps de l’obus lui-même, il est évident qu’une faible partie seulement de la force explosive projettera les balles à l’extérieur. D’autre part, celles-ci n’étant plus projetées toutes vers l’avant, c’est-à-dire dans la direction où la vitesse de l’obus s’ajoute exactement à la force explosive de la poudre, elles n’auront pas leur maximum d’effet meurtrier. Un shrapnell dont le corps d’obus éclate est comparable à un canon qui éclaterait au moment du tir : ses effets seront beaucoup moins grands. Or, un très grand nombre de shrapnells dont les Boches nous font de temps en temps l’envoi gracieux éclatent complètement au moment de fuser. Nous en avons ramassé des quantités autour de nous, dont le corps était tout déchiqueté ; cela tient à ce que leur charge de poudre est mal calculée, à ce que les parois de l’obus sont trop minces, ou surtout à ce qu’elles sont en acier de mauvaise qualité. Camelote allemande 1 Nos shrapnells au contraire, à de rares exceptions près, n’éclatent pas, et nous avons souvent le plaisir, lorsque nous les suivons sur le terrain qu’ils nous ont conquis, de trouver leurs minces cylindres intacts, tout juste décapités de leur ogive et pleins de la bonne terre de France dont ils ont gavé leur corps élégant en touchant le sol. Si on y jetait quelques graines, cela ferait dans quelques semaines de bien jolis pots de fleurs sur les cheminées.

Mais c’est surtout dans nos terribles obus explosifs que réside l’efficacité terrifiante de l’artillerie française. Nous avons vu que les « marmites » allemandes forment fougasse en tombant sur le sol et y creusent un entonnoir dont les bords limitent étroitement la gerbe explosive vers l’extérieur ; il s’ensuit que cette gerbe constitue une zone dangereuse assez limitée. Rien de plus