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Dixmude nous signalaient qu’elles ne suffisaient plus à garnir les tranchées, et l’amiral dut détacher à leur secours deux compagnies du bataillon de Kerros placées en première réserve. Petit désagrément, compensé par l’arrivée de deux nouvelles pièces de 120 long, qui étaient immédiatement mises en batterie au Sud du passage à niveau de Caeskerke.

Cependant la nuit du 5 novembre ne fut pas troublée autour de Dixmude. Aussi, dès l’aube, l’attaque reprit-elle sur le château de Woumen. Et, cette fois, on put croire au succès. Surgissant de leurs tranchées provisoires, nos bataillons, échelonnés sur la plaine, s’ébranlèrent du même mouvement au cri le : « Vive la France ! » La charge sonnait. En quelques bonds, malgré une terrible mousqueterie et des salves des mitrailleuses à bout portant, le parc et la ferme furent enlevés ; nos troupes arrivèrent jusqu’au pied du château. Mais la leur élan se brisa. Quoi qu’on ait raconté, le château ne fut pas pris : la défense intérieure avait été formidablement organisée, et peut-être dès le temps de paix. L’ennemi cependant laissait entre nos mains une centaine de prisonniers retranchés dans le pavillon de l’entrée principale[1]. Piètre butin. À la nuit, le commandement donnait l’ordre du repli général : le bataillon de Jonquières rentra dans ses cantonnemens ; la 42e division partit dans une autre direction[2] et la brigade se trouva de nouveau seule à Dixmude, avec les Belges et une poignée de Sénégalais.

« Nous ne bougeons pas, écrit Alfred de Nanteuil à la date du 6 novembre. On nous retire les renforts… Visité l’église de

  1. D’après un correspondant de la Liberté, « ils n’eurent pas le temps de se replier, tant l’attaque des mathurins fut soudaine et menée avec fougue. Entraînés par leur élan, les fusiliers marias ne s’aperçurent pas de la présence des Allemands en cet endroit. Ce n’est que trois heures plus tard qu’un sous-officier prussien sortit sans armes du pavillon et offrit au premier officier qu’il rencontra de se rendre avec tous ses camarades. »
  2. À Dixmude même, les journées du 4 et du 5 s’étaient passées dans une tranquillité relative. « Il pleut, écrit le 4 Alfred de Nanteuil. Cinq heures de station sur la route, sac au dos. Boue affreuse. Traversé Dixmude. Vision d’horreur. Désert. Lueurs de pillards. Charognes. Ruines sans nom… La nuit dans une petite ferme abandonnée, pleine de charognes, saccagée d’une façon affreuse. Tout y décèle les habitudes propres, pieuses, rangées, des honnêtes cultivateurs flamands. Nuit assez calme. Six heures de sommeil dans nos vêtemens mouillés. Impossible de se changer. » Le 5 : « Aujourd’hui temps exquis ; du soleil ; tout est calme. Les canaux reflètent les célèbres paysages des maîtres flamands, enveloppés de ouates légères. Les bestiaux qui ont échappé au bombardement ruminent sur les digues. Enfin on respire. On respire !… On est tout heureux de vivre. Je commence à croire que nous sommes ici pour longtemps. »