Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la direction du mouvement ; l’évêque, qui était le cardinal Morone, écrivait en 1540 que la ville entière était devenue luthérienne, que l’on ne faisait qu’y blâmer l’Eglise catholique, parler contre la messe, le purgatoire, le culte des morts, et il ajoutait que les prédicateurs orthodoxes n’osaient plus se risquer à prêcher dans la crainte de railleries et de mauvais traitemens dont ils se sentaient menacés. On répétait dans toute la ville « qu’ils n’unissaient pas à la bonté de leur cause l’excellence des argumens et la pureté des mœurs. »

Il y avait assurément quelque exagération dans ces doléances ; le 10 décembre 1541, le pape Paul III écrivait à un moine du Mont-Cassin, originaire de Modène, pour lui demander « si réellement il y avait des hérétiques dans sa patrie ; » sans doute le moine ne se montra pas aussi alarmé que l’évêque, mais ne cacha pas au Pape que la dévotion des Modénois n’était plus aussi entière que jadis, car les cardinaux Sadoleto et Cortese furent aussitôt envoyés pour faire une enquête ; ceux-ci, soit dans la crainte d’exaspérer les esprits, soit parce que le mal ne leur sembla pas sans remède, conseillèrent à Paul III d’user de modération et de se contenter d’exiger des membres de l’académie et de leurs disciples la signature d’un formulaire, de forme assez vague. Plus tard, le duc de Ferrare reprit la campagne, poursuivit les académiciens et fit fermer l’académie. En 1825, on découvrit, en démolissant un mur, les papiers et les livres de l’un des membres les plus actifs, l’écrivain Castelvetro ; les papiers furent dispersés, mais les livres ont été recueillis et, par eux, l’on peut connaître la composition d’une bibliothèque d’hérétique vers 1550 ; on y trouve les œuvres de Calvin, de Buccr, de Zwingle, de Melanchthon, des traductions des Psaumes et de l’Evangile…

A Sienne, l’académie des Etourdis avait pour chef Piccolomini qui fut plus tard fortement suspecté ; on n’y professait pas ouvertement des doctrines hostiles à l’Eglise ; sur soixante-dix membres que comptait l’académie, une cinquantaine étaient tout dévoués au Saint-Siège, mais elle n’en constituait pas moins un centre de critique et d’agitation ; l’extension du protestantisme dans toute la région fut due en grande partie à la propagande des Etourdis.

De même à Ferrare, les académies étaient nombreuses ; il y avait celles des Ténébreux, des Elevés, des Illuminés, des