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appauvri complètement, et sans résultats comparables aux perles subies, la sève et la jeunesse de l’armée teutonne ?

Si je m’en réfère à des jugemens que j’ai entendu exprimer autour de moi à Berlin, la stratégie et la tactique allemandes seraient restées stationnaires depuis 1870, comme ayant atteint à cette époque, aux yeux du grand état-major, leur point culminant, tandis que l’armement et la préparation technique des unités n’avaient pas cessé de progresser.


V

Dans les premières années du règne de Guillaume II, le maintien de la supériorité militaire de l’Allemagne avait un caractère de sûreté et de conservation. Il s’agissait de garder la place, achetée au prix de deux grandes guerres, au premier rang des Puissances européennes. L’armée était un instrument de défense et d’intimidation, non plus un instrument de conquête. Elle ne paraissait pas menacer, à proprement parler, les voisins de l’Empire ; mais, par son altitude arrogante, elle avait l’air de les mettre au défi d’exécuter aucune tentative d’agression, s’ils avaient été capables d’en nourrir l’envie. En a-t-il été de même depuis dix ans ? Il suffit d’étudier les dernières lois militaires allemandes pour se persuader du contraire. L’armée a été renforcée, outillée, entraînée, en vue d’une guerre prochaine.

En 1871, elle comptait 18 corps et 401 000 hommes, officiers et sous-officiers non compris, sur le pied de paix. Cet effectif est demeuré sans changement jusqu’en 1880. Cinq lois militaires, votées de 1880 à 1899, ont eu pour objet de l’augmenter et de perfectionner son outillage, sans qu’on puisse dire que son accroissement, lent au début, ait réellement correspondu à celui beaucoup plus rapide de la population. Une partie du contingent utilisable n’a fait jusqu’en 1913 aucun service militaire. Des motifs budgétaires et la difficulté de recourir à de nouveaux impôts empêchaient les différens ministres de la guerre, disait le gouvernement, d’incorporer le nombre d’hommes qu’ils auraient désiré et d’élargir davantage les cadres de l’armée. Ces motifs ont disparu tout à coup, dès que les desseins belliqueux de Guillaume II se sont précisés, et, sur