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Tous ses enfans sont nés à Montplaisir, tous ont habité avec lui, jusqu’à leur mariage, cet hôtel de l’avenue du Bois-de-Boulogne, où l’arrière-grand’mère de Pierre, Mme Fournier, vécut jusqu’à l’âge de quatre-vingt-quinze ans, pieusement entourée de ses descendans. Comme, pendant les dernières années de sa vie, l’aïeule ne pouvait plus se déplacer, sa fille ne la quitta pas, restant ainsi à Paris pendant dix étés consécutifs et renonçant, pendant cette période, au séjour de l’Hérault qu’elle aimait profondément.

Nous insistons à dessein sur ces quelques souvenirs anecdotiques, parce qu’ils servent à marquer l’intimité de la vie de foyer, au milieu de laquelle Pierre Leroy-Beaulieu se forma. Il reçut l’empreinte de ces générations successives d’hommes et de femmes attachés à leur devoir, consciens de leur rôle social, pénétrés de cette vérité fondamentale que la patrie est l’agrégat des familles, et que celles-ci sont les cellules essentielles dont la force fait celle du pays.

Dans une notice lue à l’Académie des Sciences morales et politiques sur Anatole Leroy-Beaulieu, le secrétaire perpétuel, M. Stourm, rappelait les brillans succès scolaires obtenus par lui et par son frère Paul, qui se partageaient les prix d’honneur et les nominations au Concours général. Pierre ne fut pas un élève moins distingué que son père et son oncle : dans toutes ses classes, il a remporté le prix d’excellence, témoignage d’efforts soutenus et heureux dans toutes les branches de l’enseignement, d’une application constante au travail, d’un esprit ouvert à toutes les variétés de la culture humaine ; lui aussi obtint de nombreux prix et accessits au Concours général.

Dès cette époque, ses ascendans devinaient en lui le digne héritier d’une longue tradition ancestrale et prévoyaient les succès qui attendaient dans la vie cet enfant remarquablement doué et d’un caractère aussi sérieux que son intelligence était précoce. Sa grand’mère, Mme Michel Chevalier, l’entourait de soins particuliers. Sa mère, autre femme supérieure, qui avait à un degré très élevé le sens de la chose publique, rêvait pour son fils une carrière politique : ce fut à elle que sa première élection à la Chambre causa la joie la plus vive, et elle suivit avec l’intérêt le plus passionné ses débuts à la tribune.

Au sortir du lycée, il voulut entrer à l’Ecole polytechnique. Afin de ne se laisser distraire par rien du but qu’il s’était