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chose d’émouvant à rapprocher ce souvenir du nom d’une autre basilique non moins vénérable, aussi étroitement liée à notre histoire, celle de Soissons, devant laquelle, quinze ans plus tard, devait tomber celui à qui tous les présages de bonheur semblaient sourire à l’aurore du siècle nouveau ? Lorsqu’il mit sa main dans la main de sa fiancée, au pied de l’autel où le primat des Gaules sacrait jadis les rois de France, quels glorieux souvenirs il dut évoquer, en se promettant à lui-même de faire en toute circonstance son devoir envers lui-même, envers la famille qu’il allait fonder, envers la patrie !

Pour cela, la plume ne lui suffisait pas. Il lui fallait la vie politique, les luttes oratoires, la tribune, où il pourrait défendre ses idées et proclamer ce qu’il croyait nécessaire au salut de son pays. Dès 1902, il se présenta à Lodève aux élections législatives : il vit aussitôt se grouper autour de lui des partisans ardens et enthousiastes ; à la suite d’une réunion électorale, il fut porté en triomphe par les auditeurs ; il reconquit à ses idées tout un canton qui avait passé à l’opinion adverse. Néanmoins, il ne fut pas élu. Le gouvernement le combattit, comme il ne cessa de le faire en toute circonstance, comme il avait déjà combattu son père. Quel est cependant le régime qui ne se sentirait honoré d’avoir au Parlement des hommes de cette valeur ? Conçoit-on que les finances françaises soient gérées sans qu’un Leroy-Beaulieu soit appelé à donner son avis ? Et ne songe-t-on pas, en présence d’une attitude aussi mesquine, aux pays où les hommes qui sont au pouvoir prennent eux-mêmes soin de faire entrer aux Chambres les représentans les plus éminens de l’opposition constitutionnelle, His Majesty’s opposition, comme on dit en Angleterre ?

Ce fut quatre ans plus tard, en 1906, que Pierre Leroy-Beaulieu fut élu député de la première circonscription de Montpellier. La lutte avait été des plus vives. Il avait rallié à lui toutes les nuances de l’opinion libérale et de l’opinion conservatrice. L’élection eut lieu à 500 voix de majorité : ce fut, au premier tour, le seul siège gagné en France contre le parti radical. La Chambre ordonna une enquête et invalida le député de Montpellier, qui sortit de la salle des séances en lançant cette apostrophe : « Au revoir, messieurs, à l’année prochaine ! » On était en décembre 1906. Au mois d’avril 1907, une nouvelle élection eut lieu. Les adversaires eurent recours aux moyens