Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/558

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

récoltées si abondamment. Le contact direct qu’il prit, dès son entrée dans la vie, avec les peuples des principales parties du globe, lui fournit des trésors de faits et d’observations. C’est dans cette Revue qu’il publia les principaux chapitres des volumes qui devaient être le fruit de ses premières enquêtes sociales et économiques.

Le lecteur est frappé, dès l’abord, par l’acuité de sa vue, la précision de ses jugemens, la portée de ses prédictions. Dans le premier travail de lui que publie la Revue des Deux Mondes, le 15 février 1890 : Boers et Anglais, il pressent les événemens qui se produiront trois ans plus tard, et décrit par avance la guerre de l’Afrique australe. « Sans doute l’Angleterre, dit-il, après d’énormes sacrifices et une longue lutte, viendra à bout des Boers, mais à quel prix ? Au point de vue de l’industrie minière, ce serait une désorganisation complète… Cette guerre, entreprise en vue de la favoriser, serait le pire désastre qui pût l’atteindre. » Il disait vrai, et il a fallu plusieurs années à cette industrie pour retrouver la prospérité dont elle jouissait sous l’ancien régime. Heureusement, l’admirable esprit politique de l’Angleterre lui a fait organiser l’Afrique du Sud de telle sorte qu’elle n’y compte plus aujourd’hui que de loyaux sujets.

On demeure surpris de la maturité d’esprit de cet homme de vingt-quatre ans, qui discerne chez les peuples qu’il observe les traits essentiels de leur organisation politique, qui dessine, d’une main sûre, le tableau de leur origine, de leur constitution, qui montre le fort et le faible de chacun d’eux. Quelle page d’histoire que celle qui commence son chapitre de l’Australasie, « chef-d’œuvre, comme il l’appelle, de la colonisation anglaise, centre de production d’une extraordinaire activité, théâtre d’expériences sociales de toute sorte ! »

Après avoir comparé les îles de la Nouvelle-Zélande avec leurs hautes montagnes et leur relief mouvementé, à un morceau d’Europe émergé aux antipodes, il nous dépeint l’Australie en quelques traits : il la compare au continent africain, pour sa massive lourdeur, ses côtes inhospitalières, ses déserts, le climat des régions de l’intérieur, le manque de bonnes communications fluviales, qui constitue une de ses grandes infériorités. L’eucalyptus est presque le seul arbre australien : son feuillage est si maigre qu’il ne forme point