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européen et japonais, chargé de délivrer les légations et de rétablir l’ordre dans la capitale de l’Empire du Milieu. Aussi deux éditions de l’ouvrage furent-elles épuisées en quelques mois. Le rapprochement des chapitres consacrés à la Sibérie et au Japon n’était pas seulement dû à un ordre géographique, suivi par Pierre Leroy-Beaulieu. Il pressentait les causes de conflit entre l’empire moscovite et son voisin du Pacifique : tout en exprimant l’espoir que les difficultés entre les deux nations pourraient se régler à l’amiable, il ne dissimulait pas à ses lecteurs l’idée qu’il se faisait de la puissance militaire du Japon ; il insistait sur la force de son armée et de sa flotte. C’est à ce pays plus qu’à aucun autre que s’appliquaient ces lignes de la préface : « La pénétration des hommes et des idées de l’Occident dans la plus vaste des parties du monde, l’application des méthodes scientifiques modernes à la mise en valeur de ses richesses longtemps endormies, en un mot la Rénovation de l’Asie, berceau de la civilisation, mais demeurée depuis tant de siècles à l’écart de tout progrès, est un phénomène de la plus haute importance. » Il est d’ailleurs de date récente : ce n’est que vers le milieu du XIXe siècle que la Russie descendit des solitudes glacées que baigne la mer d’Okhotsk pour s’emparer des rives du fleuve Amour et pousser sa frontière sur le Pacifique jusqu’au 23e degré de latitude : elle entrait ainsi en contact réel avec la Chine, que le Japon, de son côté, ne devait pas tarder à réveiller d’une longue torpeur par la campagne de 1894. L’Empire du Soleil-Levant avait donné, depuis 1868, le spectacle inattendu d’un peuple abandonnant une civilisation vieille de douze siècles et adoptant brusquement celle d’une autre race.

Le volume se termine par l’étude du problème chinois. La Chine, à l’aube du XXe siècle, présentait le spectacle d’un mauvais gouvernement, placé à la tête d’un peuple remarquable, dont les défauts sont rachetés par une endurance, une persévérance, une habileté commerciale de premier ordre. Il eût été intéressant de connaître l’opinion de l’auteur sur la dernière révolution qui a substitué la république à la monarchie et mis à la tête de la nouvelle organisation le dictateur Yuen-Chi-Kai, qui a imposé sa volonté au semblant de représentation nationale convoquée à Pékin il y a quatre ans. En montrant la faiblesse du gouvernement impérial, l’auteur laissait entendre que la