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voie était ouverte à l’ingérence étrangère ou à la révolution ; en insistant sur les difficultés presque insurmontables que rencontrerait la première, il indiquait que la seconde lui paraissait plus probable. Suivant une méthode excellente, il nous décrit la configuration du pays, villes et campagnes ; il nous dépeint ensuite les diverses classes d’habitans, mandarins, lettrés, hommes du peuple, leurs rapports avec les étrangers, les relations de la Cour avec les autres Puissances. Pékin est à ses yeux un symbole, sur une échelle réduite, et comme un résumé de la Chine, de l’ancienneté de sa civilisation, de son immobilité prolongée, de sa décadence. Elle diffère à la fois des villes de l’Europe et de celles de l’Orient musulman : c’est l’idée de Ninive ou de Babylone qu’évoquent les immenses murailles entourant la ville, les enceintes successives qui la divisent en quatre parties.

Après nous avoir retracé l’aspect extérieur des choses, révélateur de bien des traits du caractère national, l’auteur nous fait pénétrer dans l’âme des habitans : dès les premières lignes du chapitre consacré à la classe des lettrés, nous comprenons comment la décadence est née de ce mandarinat, qui paralyse tout effort et arrête tout progrès. Le gouvernement est dans la main d’administrateurs qui se recrutent par des examens à trois degrés auxquels tous ont accès. Comme les fonctions publiques leur sont réservées, il se forme des syndicats qui commanditent les candidats de valeur, en échange de la promesse que leur font ceux-ci de les récompenser largement lorsqu’ils seront en place. Ce seul détail indique à quelles exactions les gouverneurs de provinces, de villes, et autres mandarins devront se livrer pour payer les dettes contractées par eux, à la suite de ces examens dont le pire défaut est de porter uniquement sur des questions de style, d’écriture, de mnémotechnie, de dissertations oiseuses sur des sujets de creuse scolastique. La masse du peuple supporte néanmoins avec patience ce gouvernement, parce qu’en temps ordinaire elle n’en sent que peu l’action : elle n’est guère troublée dans la gestion des affaires de la commune, toujours fortement constituée en Extrême-Orient. La bonne humeur du Chinois est un trait de caractère remarquable : elle explique sa résignation à des misères que bien d’autres supporteraient moins aisément.

La conclusion de l’étude est que le péril jaune a été exagéré :