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et égalitaire des deux règnes précédens. Ce fut naturellement au profit de la Hongrie que s’opéra cette réaction, qui fut une transaction habilement ménagée par un souverain populaire entre la vieille constitution magyare et l’amélioration de la condition des classes inférieures. L’autonomie transylvaine y gagna quelque chose : sa chancellerie fut séparée de la chancellerie hongroise et ramenée à son ancienne forme. En accordant aussi aux Serbes la faveur d’une chancellerie particulière, la chambre aulique montrait une fois de plus sa répugnance à laisser absorber les diverses nationalités de l’Empire par la nationalité magyare.

Les Hongrois aspiraient toujours, au contraire, à faire du grand-duché de Transylvanie une annexe du royaume. La Diète qui s’ouvrit au lendemain du couronnement de l’empereur François II, à Bude (1792) souleva encore la question, mais le nouveau roi ne voulut rien faire sans connaître le sentiment des intéressés, et ceux-ci, qui s’étaient d’abord laissé tenter par l’idée de l’annexion, manifestèrent ensuite une préférence réfléchie pour l’autonomie. La persévérance des Magyars à reproduire le même vœu n’aura d’égale que celle de la Transylvanie à le repousser. Le jour arrivera où, la partie la plus faible n’étant plus protégée par le médiateur commun, la plus forte réalisera d’une façon unilatérale et révolutionnaire l’article le plus important de son programme national.

Séparatiste contre l’Autriche, la Hongrie de Kossuth se montra en effet très unitaire à l’égard des Etals de la couronne de Saint-Etienne. A l’unité personnelle dont se contentaient les Habsbourg elle substitua l’unité politique. C’est ainsi que la Diète de Pesth vota l’incorporation de la Transylvanie sous réserve de la ratification de la Diète transylvaine. Mais, pas plus dans celle-ci que dans le parlement hongrois, les Roumains qui formaient la majorité de la population n’étaient représentés. Les soixante-neuf députés attribués à la Transylvanie par la constitution kossuthiste ne représentaient que les trois nations dont l’ancienne constitution reconnaissait exclusivement l’existence : Magyars, Saxons, Szeklers.

Tant d’archaïsme n’était plus de saison. Depuis le XVIIIe siècle, pour ne pas remonter plus haut, la conscience de la nationalité s’était beaucoup développée chez les Roumains de Transylvanie. La crise qui amenait tous les peuples de l’Empire à faire valoir