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UN EXAMEN DE CONSCIENCE
DE L’ALLEMAGNE
D’APRÈS LES PAPIERS DE PRISONNIERS DE GUERRE ALLEMANDS

Voici venir l’habituelle moisson de la journée ; triste moisson. On apporte les papiers des prisonniers de guerre : il faut les examiner.

Pauvres papiers, salis, tachés de boue, et quelquefois tachés de sang ! Humbles écritures laborieuses, venues des Poméranies lointaines ; lettres élégantes et parfumées ; cartes postales grossières, dont les rodomontades antifrançaises paraissent si lamentables maintenant ; billets hâtifs, écrits au crayon dans la tranchée, avant de partir à l’assaut : tout se mêle, les lettres jalousement gardées depuis le début de la campagne, et les réponses prêtes à partir. On a fait faire la photographie de la maisonnée pour l’envoyer à l’absent ; l’homme de la Landwehr a voulu s’admirer dans sa tenue de guerre, et, fier de son image, il l’a serrée dans son portefeuille, belliqueuse et ahurie ; elle est là. Ou bien il a fait collection des vues de nos villages, hélas ! et voici nos clochers. Quelques cahiers de chansons, mais officiels, et où la verve personnelle n’a point cours ; beaucoup de livres de prières, marqués au numéro du régiment, qui font partie de l’équipement réglementaire ; quelques brochures belliqueuses ; d’étranges vocabulaires franco-allemands, où la prononciation figurée donne à notre langue des airs barbares, qui font rire et qui font souffrir ; des carnets de route surtout. Car il n’est guère de soldat qui ne s’en soit muni au départ, et qui n’ait enregistré fidèlement les péripéties de la