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outrance la germanisation. Les Winterer, les Dupont des Loges, les Simonis, les Wetterlé et autres fidèles patriotes sont venus à bout des tentatives et des efforts passionnés du chancelier de fer et ont donné un démenti au défi de Sybel : « Comment supposer que des évêques et des prêtres auraient le courage de braver Bismarck ? »

Eh bien ! comme on le sait, la germanisation de l’Alsace-Lorraine a échoué, et, malgré les séductions, les menaces ou les violences, les deux provinces sont restées françaises jusque dans la moelle de leurs os. Et c’est ici que les triomphes de Bismarck vont trouver leur fin. A tant de succès inouïs, des revers mérités succéderont. L’Eglise catholique, que le Kulturkampf devait écraser, résiste aux lois de Mai, et celui qui avait dit orgueilleusement le 14 mai 1872 : « Soyez tranquilles, messieurs, nous n’allons à Canossa ni de cœur ni d’esprit ! » celui-là consent à faire la paix en 1878 avec la Papauté.

Là encore, Bismarck a rencontré les limites de ce que peut la force. Il a fait la guerre au clergé catholique, et cherchant même ailleurs qu’en Allemagne des complices ou des dupes pour cette guerre, il a dit que la religion était le dernier rempart des pays latins et que, ce rempart démoli, ces pays ne pourraient plus résister aux entreprises de l’Allemagne. Il n’a pas réussi, mais au lieu de se buter à une entreprise impossible, il a eu l’adresse de reconnaître sa faute, et il a fait preuve une dernière fois d’un grand esprit politique.

En persécutant les catholiques et en voulant amoindrir l’éducation religieuse donnée par eux, il a constaté qu’il ne faisait qu’augmenter les succès du parti socialiste et révolutionnaire. Et alors, il a eu le courage de dire : « Du moment que l’intérêt du pays exige que je me mette en contradiction avec moi-même, je n’hésite pas à reconnaitre mon erreur et à revenir sur mes pas. » Pour arriver à un utile modus vivendi, il a saisi l’occasion du conflit de l’Allemagne et de l’Espagne au sujet des îles Carolines et il a pris le Pape pour arbitre, le saluant comme un souverain, et l’appelant « Sire » et « Majesté. » Les résultats ne se firent point attendre ; le 21 mai 1884, une loi abrogeait les dispositions les plus sévères des Maigesetze et rétablissait les relations officielles entre le Cabinet de Berlin et le Saint-Siège.

Pour arriver à cet heureux résultat, Bismarck avait dû