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supposer l’intention de ne pas s’en servir bientôt et aussi de ne pas s’en servir, suivant la rancune humaine, pour la lancer sur le pays voisin… »

Et, envisageant l’hypothèse du triomphe de la France, le chancelier disait devant le Reichstag, qui l’écoutait avec une attention passionnée : « Si nous succombons (devant l’ennemi), — je n’ose aller au fond de cette idée, — mais vous ne me contesterez pas pourtant qu’aussi bien que nous avons battu les Français en 1870, la France, de même, peut être victorieuse, ayant doublé son armée, ayant triplé ses réserves et accordé à son gouvernement avec le plus grand empressement, avec un dévouement absolu, toutes les dépenses nécessaires, sans même discuter une seconde seulement sur ce sujet.

« Je vous rappelle que les feuilles françaises ont parlé avec une certaine pitié de ce qui se passe au Reichstag allemand, et des difficultés contre lesquelles le gouvernement allemand avait à lutter, quand il voulait augmenter les forces de la patrie. La France est infiniment plus forte qu’elle ne l’a été. Si, un jour, nous l’avons battue, ceci ne garantit point que nous la battions encore. Il faut nous donner à cet égard de plus fortes garanties, dès que, au jugement de nos autorités militaires compétentes, celles que nous avons sont insuffisantes. Si elles restaient insuffisantes et que nous vinssions à être battus, que l’ennemi victorieux entrât à Berlin, comme nous sommes entrés à Paris, et que nous fussions forcés d’accepter ses conditions de paix, — alors, messieurs, que seraient-elles, ces conditions ?… Je ne parle point de la question d’argent, bien que je n’imagine pas que les Français procédassent avec nous en y mettant des ménagemens comme nous avons fait avec eux. Un vainqueur aussi modéré que l’Allemand chrétien n’existe plus au monde. Nous trouverions en face de nous ces Français sous la domination desquels nous avons pâti de 1807 à 1813 et qui nous ont pressurés jusqu’au sang… » Il affirmait que la question d’argent ne serait que peu de chose à côté de la reprise ou de la conquête des territoires tels que l’Alsace-Lorraine, la rive gauche du Rhin, le Hanovre, etc. Et devant l’émotion de son auditoire, il s’écriait : « Mais dans le cas où nous serions victorieux, nous tâcherions de mettre la France hors d’état de nous attaquer pendant trente ans et de nous mettre nous-mêmes en état de nous assurer complètement contre la France pour la