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à ce qu’il paraît, aux torpilleurs d’ignorer le droit des gens, et ces atrocités n’ont d’autre objet que d’obliger les neutres à épouser la cause de l’Allemagne et à exiger des Alliés qu’ils laissent passer les vivres à elle adressés !

Ajoutons un dernier mot. Les intellectuels allemands, qui ont avancé ces théories et en approuvent les conséquences monstrueuses, sont des gens de bonne foi. Toute la faute est à leur philosophie. Persuadés que la supériorité des lumières est démontrée par la possession d’une force brutale plus grande et que le plus cultivé est celui qui possède le plus de canons et de fusils et sait le mieux s’en servir, ils se feront une gloire de la barbarie de leurs armées, si cette barbarie les conduit à la victoire. Ce simple « si » doit être bien angoissant pour le peuple allemand, car si ce déploiement de cruauté voulue ne le conduit pas à la victoire, où le conduira-t-il ?

Vattel, qui était Neuchâtelais et sujet du roi de Prusse, écrivait au milieu du XVIIIe siècle que les peuples, toujours prêts à en venir aux mains dès qu’ils peuvent en attendre quelque avantage, — et il citait comme exemple les Germains au temps de Tacite, — sont les ennemis du genre humain. Il ajoutait que les nations ont le droit de s’unir pour les châtier et les exterminer. L’opinion de Vattel ne tardera pas à devenir celle du monde civilisé tout entier.


A. PILLET.