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naissances. Il est difficile d’admettre qu’il n’y ait pas là une énorme exagération. Il n’en est pas moins certain que ce nombre est très grand, et que les offres de service de sages-femmes prêtes à pratiquer les manœuvres criminelles qu’il implique s’étalent de tous côtés, avec des périphrases transparentes.

Ici, la loi répressive ne fait pas défaut ; mais elle est mal conçue. Elle prononce des peines tellement draconiennes, que leur application est très difficile ; elle remet cette application au jury, dont les décisions, en cette matière, n’ont plus leur caractère fantaisiste habituel, car elles consistent à peu près toujours en acquittemens. Devant cette situation, les poursuites sont devenues infiniment rares, à moins de circonstances exceptionnellement aggravantes. Les mesures à prendre sont d’ailleurs prévues dans une proposition de loi, pendante devant le Sénat, qui modifie le code pénal sur ce point et soumet les maisons d’accouchement à une surveillance devenue indispensable.

Ici encore se pose la question du secret professionnel. Observer ce secret, dans l’espèce, c’est presque toujours se rendre coupable d’une véritable complicité de crime. On a proposé d’inscrire l’accouchement prématuré parmi les maladies dont la déclaration est obligatoire. Nous sommes convaincus que cette mesure, appliquée à l’avortement, serait le meilleur remède contre une contagion morale plus dangereuse que les maladies épidémiques et dont la diffusion doit tomber sous la loi pénale.

Le projet sénatorial punit la propagande faite en vue d’inciter à l’avortement, qui est une excitation au crime, et celle qui a pour objet de répandre les pratiques propres à éviter la conception, qui est un outrage aux mœurs.

Le vote d’une loi permettant de réprimer efficacement et surtout de prévenir, en arrêtant une propagande criminelle, des faits qu’une impunité générale tend à faire considérer de plus en plus comme licites, suffirait sans doute à relever très sérieusement la natalité en France. Mais il faut se hâter, si l’on veut profiter du sentiment général de la nécessité d’un remède à la dépopulation qui suivra sans aucun doute la guerre, pour mettre sérieusement en application ces mesures de salut.


Nous n’avons parlé, dans tout ce qui précède, que de mesures législatives. Ce n’est point que nous ayons une foi aveugle dans