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II

Il y en a d’autres. Au premier rang il faut placer les conditions internationales et diplomatiques du conflit. En vérité, elles étaient telles que nous n’aurions pu les rêver meilleures, et que nous n’avons pas eu à regretter d’avoir, quarante-quatre années durant, attendu patiemment l’heure de la destinée. Quand on connaîtra par le menu l’histoire diplomatique de ces quarante-quatre années, on saura tout ce qu’il a fallu à la France de longanimité, de souplesse, de sang-froid, de stoïque résignation, pour résister aux menaces, aux provocations de la brutalité allemande. A nous en tenir aux faits universellement connus, nul ne pourra reprocher à notre pays d’avoir recherché fiévreusement l’occasion d’une revanche. Volontairement, systématiquement, afin que le monde ne pût nous accuser de troubler la paix universelle pour la satisfaction de nos rancunes nationales, toutes les fois qu’entre l’Allemagne et nous s’élevait une question purement personnelle, nous étions prêts à toutes les concessions compatibles avec notre dignité. Si la guerre a fini par éclater, c’est que l’Allemagne nous l’a déclarée. Et si nous nous y sommes si promptement résolus, c’est qu’il s’agissait tout d’abord de ne pas laisser écraser un petit peuple héroïque par un Empire ambitieux et sans scrupules. Et ainsi, sans l’avoir cherché, la France s’est trouvée, aux yeux de tous, dans l’attitude même qui pouvait le mieux convenir à ses traditions séculaires : elle était assaillie, parce qu’elle était libératrice ; on l’attaquait, parce qu’elle n’avait pas voulu laisser perpétrer une injustice internationale.

Cette noblesse d’attitude a eu pour conséquence immédiate que la Russie, dont la maladroite politique allemande avait fait notre alliée, la Russie dont nous épousions la juste cause, allait mettre toute sa puissance au service de nos communs intérêts. L’Italie, dont, en d’autres circonstances, nous aurions pu redouter les engagemens, — mais à l’égard de laquelle nos adversaires avaient manqué, tout à la fois, de franchise et d’habileté, — l’Italie se déclarait neutre et ne tardait pas à déclarer que la neutralité ne pouvait être pour elle qu’une attitude provisoire. Restait l’Angleterre qui, à la vérité, depuis dix ans, s’était très cordialement rapprochée de nous, et dont l’intérêt