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l’Allemagne contre la France. Les propos que répétaient ces rapports ne pouvaient laisser aucun doute sur les intentions belliqueuses du parti militaire allemand et sur les dispositions malveillantes du chancelier.

Dans une lettre écrite par un diplomate étranger au gouvernement français, il était dit : « Vous serez attaqués au printemps. » Dans une autre : « La guerre est remise au mois de septembre. » Le langage, du vicomte de Gontaut-Biron, notre ambassadeur à Berlin, n’était pas plus rassurant, non qu’il crût que le désir de nous attaquer fût général dans le monde gouvernemental d’Allemagne, ni que les menaces de guerre dussent être suivies d’effet à une date prochaine, mais parce que les attaques de la presse allemande, les tiraillemens de l’Empereur avec son chancelier et les excitations du parti militaire constituaient a son avis une situation grosse de périls, alors surtout que le chancelier, loin d’apaiser les différends, semblait prendre plaisir à les laisser se développer, notamment lorsqu’il faisait imprimer dans les feuilles à ses gages que, seul avec le feld-maréchal de Moltke, « il pourrait décider quand le moment serait venu de donner le choix à la France entre le désarmement ou la guerre. » Partout où Gontaut s’appliquait à rechercher la vérité, chez les diplomates comme chez les militaires, il entendait gronder la menace. Tel était l’état des choses au commencement du mois d’avril.

Il ne semble pas cependant, que l’opinion publique en France s’en soit, alors, très vivement alarmée. On pourrait s’en étonner, si l’on ne se rappelait qu’elle n’avait pu encore le soupçonner que par les propos des journaux germaniques et que ceux-ci, depuis la fin de la guerre, avaient si souvent fait preuve, à notre égard, de violence, d’injustice et de mauvaise foi, qu’on s’était accoutumé à les laisser égrener le chapelet de leurs calomnies sans trop s’en émouvoir : c’était un orage passager plus bruyant que dangereux. Mais le gouvernement, mieux informé, ne pouvait s’associer à cet optimisme.

Sans connaître encore complètement l’objet de la mission de Radowitz à Saint-Pétersbourg, il en avait eu vent ; il savait qu’à Munich, les généraux bavarois se réunissaient pour conférer en vue d’une guerre éventuelle. Lefebvre de Béhaine, notre chargé d’affaires en Bavière, lui avait fait part d’un entretien qu’il venait d’avoir avec le président du Conseil de ce pays.