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hérédité autrichienne a fait de lui le descendant de toute une lignée où se succèdent les maniaques et les dégénérés. La scène devant la glace où Metternich montre à l’enfant désolé les stigmates qui attestent en lui la fin d’une race, est au centre de l’œuvre… Ai-je besoin de dire qu’à l’heure actuelle et dans les dispositions où nous sommes, ce drame intime et généalogique passe tout à fait au second plan ?

Ce qui émerge, c’est la partie d’épopée. On acclame les vers, — et ils sont nombreux et il y en a de très beaux — où frémit le battement d’ailes de la victoire. Une scène entre toutes nous fait chaud au cœur : c’est la scène de la leçon d’histoire. Le Loriquet viennois chargé d’enseigner au fils de Napoléon l’histoire contemporaine en a délibérément rayé les victoires napoléoniennes. 1805, rien à signaler. 1806, rien, 1807, toujours rien. On dirait des communiqués. Mais dans ces années où il ne se passait rien, nos armées bousculaient Allemands et Autrichiens, forçaient leurs capitales et leur prenaient des tas de drapeaux. Si sévère que soit la censure, ces choses-là finissent toujours par se savoir… Je songe à une caricature de Hansi qui nous donne de cette scène éloquente une transcription ironique. C’est un dessin où l’artiste alsacien donne une « leçon d’histoire » à un jeune baron qui a déjà de petites hottes, de petites basques et une énorme casquette d’officier prussien : on ne doit que de dos l’affreux petit Boche, et pourtant on suit la grimace qu’il est en train de faire, cependant qu’Hansi avec un bon sourire lui présente, alignés au mur, les portraits de Kléber, de Kellermann, de Rapp, de Lefebvre et d’autres « Wakes » d’Alsace qui sabrèrent si allègrement dans les lignes allemandes…

Et est-il besoin de dire l’accueil qui a été fait à Flambeau ? De tous les rôles de la pièce c’est le mieux venu : c’est celui qui tout de suite est allé au cœur de la foule, c’est à lui que l’œuvre doit son succès populaire. Or il se trouve qu’il bénéficie encore des circonstances actuelles ; car on ne prête qu’aux riches et l’eau va à la rivière. Vous vous rappelez la réplique foudroyante sur laquelle Flambeau fait son entrée, au moment où Marmont vient d’invoquer, pour excuse à sa défection, la fatigue :


… Et nous les petits, les obscurs, les sans grades,
Nous qui marchions fourbus, blessés, crottés, malades,
Sans espoir de duchés ni de dotations…

Nous qui, par tous les temps, n’avons cessé d’aller,
Suant sans avoir peur, grelottant sans trembler…
Nous, nous ne l’étions pas, peut-être, fatigués ?


C’est cela que personnifie Flambeau : l’indéfectible attachement