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pas parfaitement compris, lui qui parle l’allemand et l’italien comme le français. Sa santé n’est pas positivement mauvaise, bien que le gonflement qu’il éprouve à l’estomac ne diminue pas. La Reine s’effrayait beaucoup pour lui de la traversée, et c’est elle qui a été le plus malade. Elle s’est installée dans sa voiture, bien attachée sur le front de ce Royal George ; puis, le mal de mer la chassant de là, elle s’est bientôt réfugiée dans la cabine, où elle pouvait du moins s’abriter et s’étendre tout de son long. Quant à moi, j’étais mourante, lorsque la marée haute nous a enfin apportées dans le port de Douvres.

De Cantorbery, où nous sommes venus achever notre première journée anglaise, je ne décris pas ici la fameuse cathédrale et retiens seulement cette maison en face de l’hôtel, toute pavoisée de tentures et de drapeaux bleus sur lesquels étaient inscrits en lettres d’or : Hodge’s and Rider’s committee. Ces noms étaient ceux des deux candidats libéraux qui l’emportaient ce jour-là, à la grande joie du peuple. Nous voyions ainsi l’Angleterre occupée de la grande affaire du moment : l’élection et le renouvellement du Parlement.

Le ministère whig présidé par lord Grey a lui-même porté ce débat devant l’opinion. C’est au mois de novembre dernier qu’il remplaça le Cabinet tory de lord Wellington, devenu impossible depuis l’avènement du roi whig Guillaume IV. Lord Holland entrait dans la nouvelle combinaison comme chancelier du duché de Lancaster ; il est neveu du grand Fox et père de ce M. Fox que la Reine a reçu à Rome avec une amabilité particulière. Les autres collègues de lord Grey sont les lords Æthorpe, Landsdowne, Graham, Melbourne, Palmerston (aux Affaires étrangères), Goderich, Auckland et Brougham (comme chancelier de l’Echiquier).

Ce nouveau gouvernement prit au mois de février l’initiative d’un projet de loi donnant satisfaction à l’opinion publique sur le sujet de la réforme parlementaire. Il s’agissait de rendre à la Chambre des Communes le caractère de représentation qu’elle avait perdu, les lois électorales anciennes étant surannées ; les bourgs pourris ayant gardé une représentation égale à celle des grandes villes ; enfin les élections elles-mêmes restant aux mains des grands seigneurs propriétaires et des municipalités, qui en disposaient ou qui en trafiquaient. Le projet de lord Grey était, dit-on, très modéré. Il n’en rencontra