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efforts qui pourraient être tentés pour les en détacher. C’est de bonne guerre diplomatique.


L’Alsace n’est pas devenue et ne pouvait pas devenir française si vite. Elle ne l’est devenue qu’en connaissance de cause et après réflexion. Qu’elle ne le fût pas au moment de son annexion, au moment des traités de Westphalie (1648), il n’y a pas lieu de s’en étonner. Non seulement l’Alsace n’était pas française, mais il n’y avait pas encore, à vrai dire, une Alsace. L’Alsace n’était qu’une expression géographique. Certes, la nature avait tracé là un de ces cadres où une vigoureuse individualité provinciale devait trouver les meilleures conditions d’épanouissement, mais le flux et le reflux des invasions dans une région frontière disputée depuis la chute de l’Empire romain avait retardé l’œuvre de cristallisation historique, sans laquelle les régions les plus favorisées ne sortent pas du chaos. Il suffit de rappeler, même en gros, les stipulations du traité de Munster pour être édifié.

Tout le monde sait que ce traité nous a cédé l’Alsace, sauf Strasbourg. Mais cette formule simpliste ne répond pas à la réalité alors existante. Les termes mêmes de l’article 75 (Les Grands Traités du règne de Louis XIV, par H. Vast) sont d’une complexité qui donne à réfléchir. Voici la traduction littérale du texte officiel latin : « L’Empereur, pour lui et toute la sérénissime maison d’Autriche, et l’Empire de même, cèdent les droits, propriétés, domaines, possessions et juridictions qui jusque-là appartenaient à lui, à l’Empire et à la maison d’Autriche dans la place de Brisach, le landgraviat de Haute et de Basse-Alsace, le Sundgau, la préfecture provinciale des dix villes impériales sises en Alsace, à savoir Haguenau, Colmar, Schlestadt, Wissembourg, Landau, Obernai, Rosheim, Munster au val Saint-Grégoire, Kaisersberg, Turckheim, et tous les pays et autres droits quelconques qui dépendent de ladite préfecture, et les transfèrent tous et chacun au Roi Très Chrétien et au royaume de France. » On voit déjà quelle variété de dominations s’enchevêtrent dans ce petit monde de l’ancienne Alsace. Cette complication va être aggravée par les articles suivans. L’un, l’article 76, précise que cette cession est faite « sans aucune réserve, avec pleine juridiction et suprématie et souveraineté à toujours… de manière que nul Empereur ni