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se battaient avec un brio, une fougue endiablée qui remplissaient le classique « vide du champ de bataille » de scènes épiques dont l’allure et la couleur auraient tenté, nous dit Powell, Détaille ou Meissonier.

Dans ces régions plates et découvertes où les seuls obstacles sont les fossés des routes, les remblais boisés des chemins de fer, les berges des canaux, il était difficile pour les combattans d’utiliser le terrain. Sans abris naturels dans ces espaces nus où les balles et la mitraille faisaient rage, où les clôtures en fil de fer disloquaient les offensives, les adversaires en étaient réduits aux manœuvres d’ailes, qui avaient pour conséquence l’extension indéfinie des fronts. Le succès devait donc se tourner, à courage égal, — et nous savons que les Allemands, aussi, sont braves, — du côté des effectifs les plus nombreux. Or, nous dit Powell, les Belges n’avaient guère que 60 000 hommes dans leurs troupes de campagne. Les Allemands au contraire, quoique d’abord pris au dépourvu et chassés de Malines, pouvaient envoyer à la bataille des renforts presque inépuisables.

Plus heureux que les combattans dont les vues sont limitées par l’étroitesse de la scène où chacun s’agite, dont les impressions sont déformées par un relief qu’accuse la proximité des faits, le correspondant du New York World pouvait tout voir. Son auto le transportait, malgré les rafales des shrapnells, vers tous les points du front. Du haut des clochers et des beffrois, il pouvait contempler les péripéties de la lutte, jusqu’à ce que la menace des obus dirigés sur son observatoire l’obligeât à s’en éloigner prestement. Il a donc vu, et bien vu. Il a noté, d’après nature, l’erreur des tacticiens en chambre, qui niaient, avant la guerre, les possibilités d’emploi de la cavalerie à cheval, car il a suivi de l’œil les phases d’une charge de lanciers belges sur un fort détachement d’infanterie, qui fut refoulé : «… Au point de vue purement militaire, ce fut sans doute une mince affaire ; mais, sous le rapport de la couleur, du mouvement et de l’émotion, ce fut un spectacle qui, à lui seul, valait le voyage en Belgique… » Il a constaté l’admirable tenue, sous un feu violent, de ces troupes belges, chez qui l’amour de la patrie, le loyalisme envers le souverain, la haine de l’envahisseur, remplaçaient les traditions d’une gloire ancienne et le dressage méthodique et savant.

Certains détails, dans ce tableau d’ensemble, sont