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la Russie paraissait devoir être étendu en Pologne, qu’il n’y avait plus de temps à perdre. L’aveuglement de son service diplomatique et la connaissance qu’il croyait avoir des vraies dispositions de la Grande-Bretagne l’entretinrent, d’autre part, dans l’illusion que la politique anglaise était trop divisée, trop rebelle à l’idée même de la guerre, pour laisser transformer l’entente cordiale en alliance. Dès les premiers mois de 1914, la France semblait enlizée dans les querelles de sa politique intérieure, la Grande-Bretagne était aux prises avec le redoutable problème irlandais, la Russie elle-même était travaillée par les grèves. La dernière étincelle, celle qui devait mettre le feu aux poudres, ce fut, à la fin de juin, l’attentat de Serajevo.

La mort de l’archiduc héritier était un coup très sensible à l’empereur Guillaume II, qui, après de longs efforts, était parvenu à faire de lui l’associé, le complice de sa grande politique. Il crut un instant que le bénéfice péniblement acquis de ses efforts allait être compromis ou différé. Mais l’occasion était trop opportune. En la saisissant, l’empereur Guillaume II choisissait, pour déterminer les événemens, une cause qui lui permettait d’apparaître comme le justicier poursuivant la punition d’un crime politique et qui faisait de lui le chevalier fidèle de l’Autriche-Hongrie. Il y aurait peut-être moyen, avec un peu d’art, de représenter l’Autriche-Hongrie et, par conséquent, l’Allemagne, comme provoquée et menacée par l’attentat de Serajevo, et si la Serbie, responsable du crime, hésitait à s’humilier et à se soumettre, de donner à la guerre qui allait éclater le caractère d’une guerre de légitime défense, dans laquelle l’Allemagne, sûre de ses alliés, avait chance, en outre, de pouvoir, au dernier moment, séparer et disjoindre ses adversaires.

Mais la Serbie, sur les conseils de la Triple-Entente, se soumit et ne fit d’objection à l’ultimatum austro-hongrois que sur un point qui n’était pas essentiel. La Triple-Entente se montra immédiatement prête à apaiser et résoudre l’incident, à accorder à l’Autriche-Hongrie toutes les satisfactions, pourvu qu’elles n’impliquassent pas la sujétion de la Serbie et l’établissement sur les Balkans d’une hégémonie austro-hongroise qui apparaîtrait trop comme la revanche de la dernière guerre balkanique et l’annulation des résultats consignés dans le traité de Bucarest. La France, la Russie, la Grande-Bretagne, l’Italie, s’étaient mises d’accord sur un projet de procédure propre à prévenir