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le conflit. L’Autriche-Hongrie elle-même s’y ralliait ; C’est, à la dernière heure, l’Allemagne, c’est l’empereur Guillaume II, revenu la veille de Norvège, qui, pour ne pas laisser perdre l’occasion, considérée comme propice et irretrouvable, lancèrent la provocation décisive et la déclaration de guerre à la Russie.

La hâte, l’impatience de déchaîner les destinées étaient telles dans la pensée de Guillaume II que, dans les derniers momens, il ne se soucia même plus de garder les apparences et de conserver à son action les caractères auxquels, dans ses calculs, il avait accordé pourtant le plus d’importance. C’est ainsi que, par l’évidence brutale de son agression, il détachait et affranchissait l’Italie, qui n’avait plus à suivre ses alliés dans une guerre offensive contre la Serbie et plusieurs des grandes Puissances de l’Europe. C’est ainsi encore qu’en violant, au mépris de ses engagemens solennels, la neutralité de la Belgique, il allait entraîner dans la guerre la Puissance même qu’il avait le plus cherché à en tenir éloignée. Il est vrai qu’m extremis, lorsque déjà les troupes allemandes avaient franchi les frontières de France, de Russie et de Belgique, l’Allemagne essayait d’engager, avec la Grande-Bretagne, soit à Berlin, soit à Londres, les négociations désespérées d’un marchandage qui sera, avec la violation du territoire belge, la plus grande honte de la politique allemande.

Le sort était jeté. L’Allemagne avait choisi son heure, et les événemens de l’inexpiable guerre allaient se dérouler. Mais l’Europe, même si elle était incomplètement préparée à subir le rude assaut qu’elle allait affronter, était, cette fois, reconstituée. Les périls et alertes qui, dès 1875, mais surtout depuis l’avènement de Guillaume II, et plus encore depuis le printemps de 1905, l’avaient tenue en éveil et en haleine la coalisaient aujourd’hui contre le plus audacieux et le plus perfide attentat de domination qui eût été encore perpétré. Tandis que la Belgique, la Serbie et le Monténégro subissaient les premiers chocs, la France et la Russie concentraient leurs armées, la Grande-Bretagne non seulement établissait avec le concours des flottes française, russe et japonaise, la maîtrise des mers et le blocus du commerce allemand, mais elle recrutait et équipait une armée qui devait en quelques mois égaler par le nombre, la vaillance et la discipline, les armées alliées. Les États neutres, malgré la pression des Puissances germaniques, malgré la