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que les jours précédens, — rien que 5 à 700 pièces, — que l’on paraissait en avoir assez et que, d’ailleurs, il n’y en avait presque plus au bazar, excepté de vieilles carabines, de vieux pistolets ou de vieux yatagans rouilles, qui ne pouvaient être d’aucune utilité.

Cependant, l’ensemble des informations parvenues aux ambassades poussa le général Ignatieff, doyen du corps diplomatique, à consulter ses collègues sur ce qu’il y aurait à faire pour garantir la sécurité des colonies étrangères et des Chrétiens, qui commençaient à s’alarmer sérieusement. L’ambassadeur d’Angleterre, — il l’a avoué plus tard dans un récit assez impudent qu’a publié, il y a une huitaine d’années, une revue anglaise, — était au courant du complot qui se tramait. Il émettait néanmoins l’avis qu’aucun danger ne menaçait les étrangers et les Chrétiens ; mais, comme tous les autres se montraient moins rassurés, il fut décidé que l’on chargerait les consuls respectifs de se réunir et de discuter les mesures propres à protéger les nationaux. Cette réunion fut tenue sous la présidence du consul général d’Angleterre, sir Philip Francis, doyen du corps consulaire. En cas d’alarme, les stationnâmes mouillés devant Tophané enverraient un détachement de matelots, qui, par certaines rues désignées d’avance, irait successivement renforcer les moyens de défense des différentes ambassades et légations, au besoin même protéger Péra, en occupant les issues de la grande rue qui y mène des quartiers turcs. En outre, les représentans étrangers qui avaient parmi leurs sujets des gens énergiques et belliqueux les feraient réunir et organiser de manière à en former, en cas de danger extrême, une garde capable de protéger Péra. Les Autrichiens déclarèrent avoir à leur disposition des Croates et des Bocchèses, espèce de Monténégrins toujours armés et fort braves. Les Grecs proposèrent d’enrôler des Ioniens, surtout des Céphaloniotes, gens capables de tout. Les Italiens parlèrent d’embaucher aussi quelques Siciliens. Pour nous, n’ayant pas de colonie proprement dite, nous nous chargeâmes d’appeler à notre secours des Monténégrins, dont quelques centaines travaillaient aux environs de Constantinople, dans les jardins et les carrières et qui se trouvaient toujours placés sous notre protectorat officieux. Ils avaient à leur tête un capitaine qui, de son côté, était en relation avec des représentans de chaque