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n’ont pas encore donné de résultat. A Laucha, en Thuringe, où ce travail s’exécute en famille, les enfans viennent au monde avec un chalumeau dans la main ; ils apportent, dès leur plus jeune âge, un appoint a la production. Quant aux femmes dont la journée était encore, il y a peu d’années, de 1 mark 50, sur lequel elles devaient payer le gaz et la matière première, c’est à peine si leur gain net ressortait à 95 centimes.

Avant de coller ces yeux à l’intérieur d’une tête, il faut les apparier, pour les avoir semblables, et les choisir, parce que sur un million de têtes il n’y en a pas deux qui se ressemblent exactement ; elles se déforment au feu et il suffit d’un centième de millimètre pour que les yeux paraissent bigles ou hagards, tournés en dedans ou en dehors. Ceux des bébés dormeurs étaient naguère munis d’un mécanisme compliqué et délicat ; les Allemands inventèrent la petite monture, adoptée partout depuis, qui, par le déclanchement d’un contrepoids de plomb dans deux alvéoles de plâtre, fait basculer l’œil automatiquement. Chez les poupées, au lieu d’une paupière qui s’abaisse, c’est l’œil qui tourne et semble se fermer en faisant apparaître un secteur de l’orbe de verre, peint en rose chair.

Au lieu d’un crâne, qui ne lui servirait à rien, le bébé sera coiffé d’une calotte de nansouk sur laquelle on collera sa chevelure. En Allemagne, les perruques s’achètent toutes faites ; en France, la Société des Bébés fabrique elle-même les siennes : les plus chères, en petit nombre, proviennent de cheveux chinois achetés à Marseille où ils sont amincis et décolorés ; la qualité moyenne est en poil de chèvre — mohair ou thibet — préparé pour cet usage ; les plus modestes sont en laine ordinaire. L’usine consomme de ces trois sortes 22 000 kilos par an.

De l’atelier de cardage, où l’ouvrière pèse soigneusement les 15 grammes par tête à laquelle chaque poupée a droit, les cheveux passent à la mise en tresse, puis à la coiffure ; le travail est payé aux pièces, aussi faut-il voir avec quelle rapidité les peignes démêlent, les ciseaux taillent et le marteau cloue les frisons de ces « demoiselles. » Pour les « garçons, » une machine insuffle le mohair en brins de 1 ou 2 millimètres sur leurs têtes, enduites au préalable d’une colle importée d’Allemagne, dont les analyses n’ont pas jusqu’ici révélé le secret ; avec ce poil, brossé ensuite ou mieux soulevé à l’air comprimé par une autre machine qui le dresse, le bébé mâle