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Skironiennes sans rencontrer le centaure et sans nous être rompu le cou, puis nous nous trouvons dans une espèce de parc naturel. Un charmant bois de sapins et lentisques au bord de la mer, avec de belles petites allées, toutes sablées, des fleurs odoriférantes, des petits oiseaux qui chantaient, une route délicieuse, quoi ! C’est par ce chemin parfumé que nous arrivons à Kineta, poste de gendarmes. Là, au pied d’un grand figuier sans feuilles, nous installons notre déjeuner et faisons un repas fort agréable. Puis, le café pris, Curzon et moi faisons deux dessins. Le temps passe vite lorsqu’on s’occupe et qu’on est heureux, et nous serions encore là à travailler si l’heure du départ n’avait sonné. Les gendarmes qui nous avaient accompagnés et qui venaient d’être payés, trouvant des camarades dans le poste de Kineta, prétendirent alors que la route était très sûre jusqu’à Kalamaki, et finalement nous lâchèrent à mi-chemin. Au surplus, le temps était si beau, la route si charmante, que nous ne pensons plus guère aux brigands. Après avoir passé deux heures à cheval sur une route quasi unie et découverte, nous descendons de nos montures pour faire un peu de chemin à pied et nous dégourdir les jambes. Puis, une heure et demie avant d’arriver à Kalamaki, nous laissons de Curzon, le grand jambier, continuer sa promenade pédestre et remontons, About et moi, sur nos chevaux. Le cheval de Curzon étant resté seul et libre par devant, le premier cheval de bagages, celui qui portait nos cartons et nos instrumens, venait après, puis About sur son cheval, moi ensuite sur le mien, et, un peu à droite enfin, Lefteri fermant la marche, monté sur le dernier cheval de bagages. Quant à Antonio et à Nicolas, ils marchaient tantôt devant, tantôt derrière, en fumant paisiblement une cigarette. Tout à coup, le cheval de Curzon, poussé par quelque accès de gaieté, se met à danser un peu, à trotter, puis finalement à galoper. Le cheval de bagages, encouragé par cet exemple et sans ménagemens pour son précieux fardeau, galope à sa suite. About ne peut à son tour retenir son cheval, stimulé par ce déplorable exemple et qui lutte de vitesse avec ses devanciers. Quant à moi, je me sentis presque aussitôt emporté de toute la vitesse des quatre jambes de mon coursier, qui, se trouvant par derrière, voulait passer par devant. Lefteri, seul, eut sur son cheval une influence salutaire et le retint assez pour l’empêcher de nous suivre à la piste. Ce fut alors une