Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/486

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

volonté de son oncle s’affaiblissait sous le poids des ans, avait réussi dans ses efforts pour doter l’Autriche-Hongrie d’une nouvelle marine de guerre, contrefaçon sur une moindre échelle de celle de Guillaume II, et pour réorganiser l’armée active, toujours à l’imitation de l’Allemagne. On lui reprochait, au sein de certaines coteries, de ne pas se tenir assez dans la pénombre et de ne pas montrer beaucoup de tact ni de ménagemens dans sa façon de se substituer au fantôme d’Empereur qui vieillissait doucement à Schoenbrünn, entouré de la vénération de ses sujets de races diverses. On lui reprochait également de placer dans les grands postes civils et militaires trop d’hommes à sa dévotion.

Nous pouvons nous imaginer que ce prince, frappé du déclin graduel de la monarchie, aurait tenté de lui rendre la vigueur qui l’abandonnait et que, même avant de ceindre la couronne impériale, son premier souci était de maintenir d’une main ferme le faisceau des nationalités, hostiles entre elles et toujours mécontentas, dont se compose l’empire dualiste. A l’extérieur, nous pouvons supposer qu’il avait à cœur de donner à l’Autriche-Hongrie une place moins effacée et de premier rang ; qu’il la voulait par-dessus tout prépondérante sur le cours du Danube comme dans les Balkans ; qu’il aspirait même à lui ouvrir le chemin de Salonique et de la mer d’Orient, fût-ce au prix d’un heurt avec la Russie. Cet antagonisme des deux empires voisins a dû faire souvent le sujet des entretiens de François-Ferdinand avec Guillaume II.

La gloire militaire, le prestige conquis sur les champs de bataille, l’archiduc en avait besoin pour asseoir sans opposition sa compagne sur le trône impérial et faire de ses enfans les héritiers des Césars. On le soupçonnait en effet, en Autriche et à l’étranger, de ne vouloir point observer le pacte de famille qu’il avait souscrit, lors de son mariage avec la comtesse Sophie Chotek. Il le regardait peut-être comme un contrat entaché de nullité, b. cause de la contrainte qu’il avait subie. Les honneurs successifs, qui avaient tiré la duchesse de Hohenberg de l’obscurité, où est confinée d’ordinaire l’épouse morganatique d’un prince allemand, pour l’amener tout près des marches du trône, étaient un indice que son ascension ne s’arrêterait pas à mi-chemin. L’archiduc passait, comme Guillaume II lui-même, pour être le modèle des maris et des pères. Il était de ces princes