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était besoin, l’inexistence d’un engagement secret antérieur entre l’Angleterre et notre pays. Tout en causant, l’Anglais exprima l’opinion que le devoir de son gouvernement serait de débarquer des troupes en Belgique, même si leur concours n’était pas sollicité. C’est la pure doctrine du droit des gens, d’après laquelle l’intervention de l’Etat garant doit se produire d’office, s’il la juge nécessaire, et même malgré l’opposition de l’Etat neutre. À cette prétention, le général Jungbluth opposa aussitôt la thèse qui a toujours été soutenue par les autorités belges : le consentement préalable de la Belgique est indispensable. Le lieutenant-colonel Bridges n’insista pas, et les choses en restèrent là.

Le gouvernement belge, averti par un rapport du chef de l’état-major, ne le chargea pas de continuer la conversation. Pas plus en 1912 qu’en 1906, il n’y a eu de convention conclue ni même discutée entre la Belgique et l’Angleterre, ou entre la Belgique et la France, qui ne nous avait pas offert son aide militaire pour défendre notre neutralité. Le gouvernement belge, d’autre part, n’avait pas à informer le Cabinet de Berlin de ces entretiens privés. Assez de causes de dissentimens existaient entre les grandes Puissances nos voisines, sans qu’il vînt jeter entre elles un nouvel élément de suspicion, un nouveau brandon de discordes, consistant dans les propos d’attachés militaires étrangers, sans doute très zélés !

Je dirai en passant, — détail encore inédit, — que le général Jungbluth, invité à assister cette même année aux manœuvres de l’armée anglaise, où, par l’ancienneté de son grade, il aurait occupé la première place parmi les officiers étrangers, crut devoir décliner cette invitation. Il ne fallait pas qu’on put interpréter au dehors la présence du général en Angleterre comme l’indice, si faible fùt-il, d’une entente entre les états-majors des deux pays. Quel excès de scrupules, pensera-t-on aujourd’hui !

Une année auparavant (novembre 1911), le gouvernement belge avait communiqué à son ministre à Berlin, le comte Greindl, un travail sur les mesures à prendre, en cas de guerre franco-allemande. Mon prédécesseur avait émis l’avis qu’il convenait d’envisager, entre autres hypothèses, celle d’une entrée des forces anglaises ou françaises en Belgique. Réponse très naturelle de la part d’un vieux diplomate, à qui cinquante années d’une carrière exceptionnellement utile à son pays