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mal mystérieux. Marie-Anne de Hohenzollern proposa donc à son amant de se réfugier avec elle en France, dans ce pays où il était cependant condamné à mort par contumace et exécuté en effigie.

Il est fort probable que Massauve avait négligé de donner ce détail à sa belle, dans la crainte que la flétrissure qui l’avait atteint dans son propre pays n’avançât pas ses affaires amoureuses. On ne peut expliquer autrement le singulier choix de l’asile fait par la comtesse, quand il leur était si facile de se réfugier dans quelque autre lieu où Massauve eût été accueilli avec moins de difficultés.

Mais rien n’est impossible à un véritable amoureux, et il devenait, d’ailleurs, urgent de prendre un parti, car la liaison de Massauve et de sa maîtresse commençait à s’ébruiter, et il était à craindre que le comte d’Isembourg ne vint à en être informé.

Massauve écrivit donc au duc de Saint-Simon, père de l’auteur des Mémoires, alors favori du Roi. Il en était connu et il obtint par sa protection la mise à néant de la condamnation prononcée contre lui, à la seule condition de faire des excuses publiques à l’officier-inspecteur qu’il avait insulté.

A la vérité, l’habile aventurier avait eu le soin de faire miroiter aux yeux de son protecteur et du cardinal de Richelieu de séduisantes offres de service. Il leur avait dit être l’agent d’une princesse allemande, laquelle, pour des raisons qu’il ne pouvait dévoiler, était toute disposée, malgré son étroite parenté avec la Maison d’Autriche, à prendre parti pour la France ; il ajoutait que, comme premier gage de sa bonne volonté, cette princesse offrait de livrer au Roi la forteresse d’Ehrenbreitstein, résidence de l’Electeur de Trêves, qui avait appartenu à la France depuis l’année 1632 et était, depuis peu, retombée au pouvoir des Impériaux.

Richelieu, malgré toute sa finesse, se laissa prendre à ces ouvertures : elles ne présentaient, du reste, dans ces temps troublés, aucun caractère d’invraisemblance.

Massauve, venu à la Cour nanti d’un sauf-conduit, pour faire les excuses exigées, en repartit, muni d’un ordre ministériel enjoignant à tous les commandans français des frontières de lui prêter main-forte et de se mettre à sa disposition à première réquisition. Ainsi autorisé, notre aventurier vint d’abord