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aventures, n’avait pas fait une plus belle hécatombe de tous ceux qui voulaient séduire la femme de sa jeunesse et changer quelque chose dans le lit nuptial que, de ses propres mains, il s’était arrangé.

Et par-dessus toutes les querelles, qui naissent en Germanie comme champignons après l’orage, quel devoir de discipline et d’entente ne créait pas à tous les patriotes la lutte en commun contre ces ennemis de la patrie ! Et quel utile détournement de l’activité parlementaire vers la chasse, tantôt adroite, tantôt à gauche, des mauvais Allemands que le Héros national désignait tour à tour à la vindicte publique I

C’est ainsi qu’à la voix de Bismarck, le Kulturkampf, le bon combat libéral pour la vraie Kultur nationale occupa plus de cinq années le Reichstag (1871-1875) : flattant les passions anticléricales de la gent universitaire, réveillant cette haine historique du Pape qui, depuis Canossa, sommeille au cœur de tout bon Allemand, donnant au Chancelier une allure de Luther ressuscité, le Kulturkampf lui valut une solide majorité de gauche, jusqu’au jour où, brusquement, il changea d’ennemis et tourna ses armes de la réaction contre la révolution ; alors (1875-1890) le bon combat conservateur pour la tradition nationale, pour le droit héréditaire, pour la famille, le trône et la société, lui valut une meilleure majorité de droite et dirigea tout l’effort du Parlement contre les socialistes, contre cette Internationale rouge, qui devenait beaucoup plus dangereuse à la sécurité de la Nation, disait le Chancelier, que naguère l’Internationale noire.

En cette utilisation toute germanique du régime parlementaire, il arrivait parfois que la chasse aux ennemis de l’intérieur ne suffisait pas à maintenir le Parlement en sujétion, ni l’opinion en état de grâce patriotique. Parfois aussi, souvent, une violence ou une maladresse de Bismarck dépassait la mesure et lui mettait aux trousses les jappemens des roquets et les lazzis des rieurs. Parfois, enfin, malgré sa docilité coutumière, le Reichstag hésitait devant une nouvelle charge d’armemens qu’il jugeait, Lui, indispensable à la pérennité de Son œuvre. Alors, c’était au tour de la France ou de la Russie de fournir une cible aux récriminations, aux calomnies, aux menaces du Vieillard irrité, et, sur les ennemis de l’extérieur, l’arc terrible faisait pleuvoir ses flèches : « On ne fait pas toujours la guerre par haine, disait-il, car s’il en était ainsi, la