Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

MINOLA. IS

aux exigences du protocole, et l’absence de la vieille comtesse Arabella était un soulagement général.

Le souffle vivifiant de la mer, la griserie du soleil, les douces paroles murmurées sans trêve près des jolies oreilles roses étourdissaient ce jeune monde, dans les veines duquel circulait toute l’ardeur pétillante d’un vin mousseux. Mais, au milieu de cette joie exubérante, Minola, la douce petite Reine, était de beaucoup la plus heureuse. Elle vivait dans la plénitude de son rêve. Son cheval impétueux et soumis était d’une beauté telle que Minola même n’avait rien imaginé d’aussi parfait.

Les paroles sont impuissantes à rendre la perfection du noble animal.

Tout en lui était svelte et harmonieux ; la pureté de ses contours, la grâce de ses membres, la souplesse de ses mouvemens, "saisissaient dès le premier abord. Pour le soyeux et la blancheur de sa robe, l’éclat de la neige, les rayons du soleil, la lueur de la lune, le poli miroitant des lys semblaient s’être confondus en une chose unique, merveilleusement blanche, duvetée, moelleuse, aussi douce au toucher qu’au regard.

Nulle soie filée par les elfes en personne n’eût égalé la souplesse de sa crinière, nul marbre poli l’éclat de ses sabots d’ivoire ; les ailes palpitantes des naseaux frémissans avaient ce rose des fleurs du pommier, et lorsque Minola appuyait ses lèvres sur le front du cheval, elle éprouvait la sensation d’une caresse. Le bleu intense de ses prunelles rappelait celui de la mer qui frappait de son remous les assises de marbre du palais. Dans leur éclat profond, on lisait tant d’intelligence et de compréhension qu’on pût dit un regard humain. Comment croire qu’un être si parfait pût être privé du don de la parole ?

Peu importait, d’ailleurs, à Minola.

L’enfant solitaire avait, enfin, trouvé un remède à son isolement et l’animal lui était devenu un compagnon inséparable. Cependant, un point noir semblait devoir assombrir ses radieuses journées. L’ « opinion publique » un moment oubliée était apparue de nouveau pour blâmer et réprouver la présence du cheval bien-aimé aux repas de cérémonie que la petite Reine devait présider, entourée de toute sa Cour. L’ « opinion publique »