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Guillaume II, envoyé et serviteur de Dieu, fut l’artisan de la guerre mondiale.


« C’est de la grâce de Dieu que vient la royauté : aussi la royauté n’est-elle responsable que devant le Seigneur ; elle ne peut diriger sa route et son effort que de ce point de vue. » Au début du XXe siècle, telle est la première phrase que Guillaume II, Empereur et Roi, voulut inscrire sur le Livre d’Or séculaire du Peuple allemand. Dans l’héritage de son grand-père, il avait trouvé, disait-il aux gens de Coblentz (31 août 1897), un « bijou rayonnant, un bijou sacré qu’il saurait tenir haut : la royauté de droit divin, la royauté aux devoirs difficiles, aux peines et aux travaux incessans, infinis, avec cette terrible responsabilité devant le seul Créateur, dont aucun homme, aucun ministre, aucune Chambre des députés, aucun peuple ne peut délier le prince. »

La grâce de Dieu, l’inspiration de Dieu, le service de Dieu, la crainte et le châtiment de Dieu sont devenus les rouages principaux de cette théocratie militaire où Dieu devenait le garant du lien personnel qui devait unir au Chef de guerre chacun de ses guerriers, — et tous les hommes validas devenaient les guerriers du Chef ; dans l’empire de Charlemagne, le serment des fidèles était déjà le vrai lien de l’Etat[1].

« Il faut, dit le Capitulaire de 802, que tous les hommes comprennent combien sont grandes et nombreuses les choses contenues dans ce serment. Il ne s’agit pas seulement, comme beaucoup l’ont cru jusqu’ici, d’être fidèles au Seigneur Empereur jusqu’à ne pas attenter à sa vie et ne pas introduire d’ennemis dans son royaume. Il faut que tous sachent que le serment de fidélité contient toutes les choses que nous allons indiquer, » et le Capitulaire les énumère : premièrement, chacun doit se maintenir dans le service de Dieu, « parce que le Seigneur Empereur ne peut pas avoir la surveillance et la correction de chacun de ses sujets ; » deuxièmement, il faut que chacun respecte le bien du prochain… cinquièmement, que « chacun s’arme et aille à la guerre à toute réquisition du prince ; sixièmement, que nul n’ose désobéir à aucun ban ou ordre du

  1. Voyez là-dessus le chapitre de Fustel de Coulanges, le Serment de Fidélité au Roi, à la page 238 du t. III de l’Histoire des Institutions.