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faire, il faudrait ensuite établir un cheminement conduisant d’un point abrité jusqu’à la tranchée, pour assurer la sécurité de la relève et du ravitaillement. Il ne semble pas que cela se fasse toujours ni que, dans le trajet, nos soldats se gardent assez. Peut-être, d’ailleurs, y a-t-il des cas où le cheminement ne peut être établi. Rien de plus variable que les conditions et le terrain où se font les tranchées.

Autrefois, du temps des fusils et canons à faible portée, et des projectiles à faible pénétration, on avait d’autres procédés. Ils ne suffiraient plus. Ainsi on ne creusait pas le sol, mais on y plaçait des rangées de gabions farcis, de clayonnages pleins de terre, sur plusieurs hauteurs, et on s’abritait derrière. Ou encore, à la place des gabions, on avait des sacs pleins de terre : c’était la sape volante. Elle rendrait encore des services : il ne faut pas tant de terre, ni surtout de sable, humide de préférence, pour arrêter la balle moderne ; mais l’artillerie est là qui la bousculerait impitoyablement. On s’en tient donc à la sape profonde avec parapet formé par la terre extraite, mise en sacs ou non, complété par des boucliers d’acier. Ceux-ci ne sont pas des ressuscités, d’ailleurs : le bouclier est resté en usage dans l’artillerie, pour protéger les servans. Et les mineurs l’ont employé à Andrinople.

Quant aux abris où logent nos soldats, quand ils ne tirent point sur l’ennemi, ce sont des excavations dans les parois de la tranchée même, excavations plus ou moins longues et profondes, dont le plafond est soutenu par des poutres et des planches. Elles ont été mille fois décrites et figurées.

Il est un point sur lequel nos tranchées actuelles diffèrent beaucoup des parallèles d’autrefois. Il a fallu les sectionner au moyen de traverses ou pare-éclats qui divisent chaque tranchée en un certain nombre de compartimens communicans, dont chacun reçoit de deux à quatre soldats. Ces compartimens ont été rendus nécessaires pour deux raisons. D’abord, si un obus vient à éclater dans la tranchée à traverses, le dégât est forcément limité au compartiment atteint : les traverses l’empêchent d’atteindre le reste de la tranchée. D’autre part, elles rendent un grand service en empêchant le tir en enfilade au fusil ou au canon. Elles fractionnent les risques, au cas où l’ennemi pourrait, à un moment, prendre la tranchée d’enfilade.

On a dit que l’ennemi avait des machines à creuser des