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obscurément. Il le serait davantage, s’il savait avec plus d’exactitude qu’il l’est et s’il comparait ses hasards à quelque chimère. Il vit : et c’est résoudre tous les problèmes, que de vivre : les résoudre, ou bien les éluder.

Il y a, dans l’aventure de Gilles, une calamité : son père est fou. À cause de la folie de son père, que soigne sa mère, on l’a écarté, enfermé dans ce collège, privé des tendresses qui feraient ses délices. Il court et il joue, il rit et il pleure pour des billevesées : il n’aurait qu’à pleurer, et pour la seule calamité de son destin, la folie de son père. L’ignore-t-il ? On ne lui a rien dit. Et lui-même n’a-t-il rien aperçu ? Presque rien. Cependant, des mots chuchotés viennent à ses oreilles… Mais sait-il ce qu’est un fou ? Le professeur a lu à ses élèves l’anecdote de Charles VI dans la forêt du Mans. Gilles va deviner ; il devine déjà et, aussitôt, éloigne la vision terrible. Enfin, son père se pendra… Et des journées, encore des journées défileront, après lesquelles, vacances finies, il devra rentrer au collège. Alors, l’idée de rentrer au collège lui sera une sorte d’épouvante, pire que tout le reste, parce qu’il se figurera que sa mère se sépare de lui plus volontiers qu’il ne la quitte. Or, il entend sa mère et sa tante qui causent à demi-voix. Sa mère dit qu’elle veut cacher à Gilles les larmes que le départ de Gilles lui fait répandre ; et elle ajoute : « Plus tard, il comprendra que j’aurais mieux aimé le garder près de moi ; il est tout ce qui me rattache à la vie… » C’est bien ; et Gilles peut partir. Il possède et il tient ses résolutions de consentement.

Consentir à la vie, à son exigence, voire à son caprice : le roman de l’Élève Gilles ne formule pas ce précepte ; mais, pour ainsi parler, le précepte émane du roman. L’auteur n’a pas commis la faute de nous présenter un petit garçon comme un apôtre de morale. Tout simplement, il a montré, dans son Gilles, comment on vit sans rébellion vaine et comment la vie elle-même vous seconde, en vous guérissant chaque jour ses blessures de chaque jour, si vous suivez son enseignement, qui n’est que de patience.


Après l’histoire d’un écolier, voici, dans la Maison sur la rive, l’histoire d’une jeune fille. Et l’on dirait qu’avant de se risquer parmi toutes les complications des âmes qui, ayant vécu davantage, ont plus embrouillé leurs désirs, leurs volontés et leurs remords, André Lafon, prudent, essayait son regard à examiner des âmes claires encore et anodines. Sans doute aussi avait-il le goût de la grâce jeune.

Sa jeune fille de la Maison sur la rive, il l’a placée dans le même