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le plus développée sont entre les mains de l’ennemi. Cela était grave, certes, mais ne nous a nullement découragés. Nous nous sommes mis à l’œuvre, et, bien que nous n’ayons pas encore atteint tous les résultats désirables, M. Lloyd George a pu citer notre exemple à l’Angleterre pour lui montrer ce qu’on peut faire quand on le veut fortement. Faut-il rappeler que notre effort a été entravé, ralenti par le préjugé d’égalité mal comprise qui a vidé nos usines d’une partie de nos ouvriers pour les envoyer au front ? Des ouvriers qui auraient été infiniment plus utiles à la défense nationale, s’ils étaient restés dans nos usines sont allés s’enfouir dans les tranchées et beaucoup y sont morts qu’on aura de la peine à remplacer. La proposition Dalbiez nous a peut-être rendu un service : en menaçant d’aggraver le mal, elle l’a fait briller d’un tel éclat que l’absurdité en est apparue et qu’une révolte a eu lieu dans les esprits, heureusement nombreux, qui sont restés susceptibles de bon sens. Au cours de la discussion, M. Millerand a prononcé un discours après lequel on aurait dû la clore et voter. Mais ce n’est pas ainsi que vont les choses dans nos assemblées parlementaires. Il a fallu, comme on dit en Chine, sauver la face de M. Dalbiez et de ses amis : on a cherché, on a trouvé des propositions transactionnelles avec lesquelles on s’est mis d’accord. Nous souhaitons qu’à la poursuite des mots à double sens qui satisfont tout le monde, on n’ait pas perdu la claire vision des choses et que la défense nationale n’ait pas à en souffrir.

Nous restons convaincus que les échecs des Russes en Galicie sont provisoires et que nos Alliés, au temps prochain où ils auront des armes et des munitions en nombre suffisant, prendront leur revanche. En tout cas, ils continuent d’occuper et de retenir, par leur vaillance et par l’habileté de leurs manœuvres, un nombre très considérable d’Austro-Allemands. Confessons toutefois que, pour le moment, l’état des choses en Galicie n’encourage pas les Balkaniques il prendre part aux hostilités. Il est vrai que, s’ils y avaient pris part plus tôt, les choses auraient tourné autrement ; les Russes, soutenus par eux, auraient battu l’ennemi commun : la guerre serait plus avancée et les fruits en auraient été plus faciles à cueillir. On peut sans doute dire de la Roumanie et de la Bulgarie ce que M. Venizelos a dit de la Grèce au moment où il a donné sa démission, à savoir que l’occasion perdue ne se retrouve jamais tout entière, et qu’il y a des fautes qui ne se réparent pas. L’Italie a une juste réputation de prudence : aussi avait-on espéré que l’exemple qu’elle vient de donner serait suivi par d’autres et que la Roumanie