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on l’a accusé d’avoir voulu abandonner Cavalla à la Bulgarie : on l’accuse aujourd’hui d’être anti-dynastique, de vouloir renverser le trône et établir la République. M. Rhallis a été l’accusateur : M. Venizelos a été obligé de le poursuivie en diffamation devant les tribunaux. M. Rhallis est un représentant de ces anciens partis qu’il a voulu reléguer dans l’histoire, mais si M. Venizelos a fait la guerre aux abus, il ne l’a pas faite aux hommes, et la preuve en est que M. Rhallis a été élu dans l’Attique avec son appui. On voit sa reconnaissance.

Quel sera le dénouement de cette situation, il est difficile de le dire. Les élections devaient mettre fin à tant d’intrigues qui se croisent en sens divers : les intrigues continuent, et même elles s’aggravent. Il sera pourtant bien difficile d’arracher l’avenir à M. Venizelos, puisque le pays le lui a solennellement confié. On a remarqué que la majorité électorale lui a été donnée par l’ancienne Grèce, celle qui existait avant les derniers événemens, à laquelle il faut joindre l’Epire et les îles récemment acquises. C’est seulement dans la Macédoine, où se mêlent les races les plus diverses, turques, juives, etc., que la pression gouvernementale l’a emporté. En Épire, M. Venizelos a eu 14 voix sur 15, ce qui a sans doute déterminé M. Zographos à donner sa démission de ministre. Pour qui connaît le grand rôle joué par lui en Épire, il n’est pas surprenant que cet homme distingué se soit aperçu qu’il s’était fourvoyé dans un ministère qui d’ailleurs ne représente plus rien. Croit-on retourner la majorité d’ici à la réunion de la Chambre ? Espère-t-on pouvoir dissoudre celle-ci de nouveau et en faire élire une autre ? Comment deviner les projets que le levain allemand fait fermenter dans les têtes ? Tout ce que nous pouvons dire est que M. Venizelos a affirmé avec beaucoup de force que son orientation politique n’avait pas changé et qu’il était toujours partisan résolu d’une action commune avec les Alliés.

On voit combien la situation des Balkans est encore incertaine. Heureusement, le sort de la guerre n’en dépend pas. Peut-être a-t-on trop donné aux Puissances balkaniques l’impression qu’on ne pouvait pas se passer d’elles et que leur appoint, dans l’un ou dans l’autre des deux camps, était si précieux qu’on ne saurait le payer trop cher. De là des exigences toujours grossissantes, alors que la valeur de l’appoint va sans cesse en diminuant à mesure qu’on approche du terme. Il aurait été infiniment précieux au début de la guerre, il l’est encore aujourd’hui, il le sera moins demain, il finira par ne plus l’être