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crée, avait négligé même de faire traduire cette convention en russe et de la faire répandre parmi ceux qui devaient s’y conformer. Les chefs de l’armée, sauf le grand-duc et son état-major, ignoraient même qu’il y eût eu des négociations et une convention quelconque. Ils aimaient mieux d’ailleurs avoir les coudées franches que de se sentir jusqu’à un certain point liés et astreints à certaines obligations vis-à-vis du pays que l’on traversait et occupait, mais qui, loin d’être un pays conquis, était un territoire indépendant et ami. Du reste, la signature définitive de la Convention et surtout sa ratification, n’eurent lieu qu’au tout dernier moment, à la veille des hostilités. Les négociations poursuivies sans relâche à Constantinople entretenaient, comme nous le verrons plus tard, à Pétersbourg et en Europe, l’espoir d’une solution pacifique et ni le prince Gortchakof ni M. Bratiano ne se pressaient de prendre des mesures en vue de la guerre. L’absence de pleins pouvoirs, qui était le principal défaut de ma position, m’empêcha d’utiliser les dispositions favorables dans lesquelles nous étions réciproquement, le premier ministre roumain et moi, pour revêtir séance tenante de nos signatures le projet convenu. Lorsque tout fut réglé et copié, je proposai à M. Bratiano, puisqu’il se refusait à signer l’acte, au moins de le parafer. Il y résista obstinément, disant qu’il y aurait là de quoi le perdre, lui, son souverain et son pays. Il consentit à ce que lecture fût donnée tout haut du texte en présence du baron Stuart et du prince Cantacuzène, et s’engagea sur parole à le signer tel quel dès que le délégué russe produirait des pleins pouvoirs ; mais il déclara qu’il ne pourrait même pas obtenir du prince l’autorisation d’apposer sa signature ou son parafe à un acte, comme qui dirait unilatéral, puisque, de l’autre côté, il n’y avait pas de personne dûment déléguée à cet effet. Il se trouva que plus tard ce fut notre ministère des Finances qui s’éleva, bien à tort à mon avis, contre une des stipulations que j’avais cru pouvoir admettre au sujet du mode de paiement des fournitures : alors, M. Bratiano, qui avait compris ce que disait et ne disait pas le préambule du traité ayant une portée politique, demanda en échange qu’on y introduisit quelques modifications, auxquelles le ministère, peu soucieux de se mettre à couvert pour les éventualités d’avenir, qu’il ne voulait d’ailleurs pas même prévoir, avait eu la faiblesse de consentir. L’obligation de conserver l’intégrité du territoire