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s’établissaient dans les pays d’outre-Atlantique constituaient des groupes puissans de cliens pour la mère patrie, avec laquelle ils ne cessaient d’entretenir des rapports intimes.

C’est ainsi que l’émigration a joué un grand rôle, et un rôle en somme bienfaisant, dans la vie économique de l’Italie : ce n’est qu’exceptionnellement, en Sicile par exemple, qu’à de certaines époques, un exode excessif a déterminé une pénurie fâcheuse de main-d’œuvre. En 1913, 873 000 individus se sont expatriés : 313 000 se rendirent en Europe et dans les autres pays méditerranéens, et 560 000 passèrent l’Océan. L’émigration présente un caractère différent suivant les provinces : les gens du Midi, en particulier ceux de la Basilicate et de la Calabre, vont en Amérique, où un certain nombre d’entre eux se fixent avec leur famille. La majorité revient au pays natal, après avoir amassé un pécule qu’elle emploie le plus souvent à acheter de la terre, à se construire une demeure, où beaucoup de ces « Américains » mènent alors une vie de petits rentiers. Le Nord, au contraire, la vallée du Pô, par exemple, fournit à une partie de l’Europe des ouvriers, qui sont recherchés notamment en France, où il s’en trouvait, avant la guerre, près d’un demi-million. D’après le recensement officiel de 1911, il y avait à l’étranger 5 millions et demi d’Italiens, dont les quatre cinquièmes en Amérique. Ce chiffre est inférieur à la réalité ; si l’on tient compte des émigrans qui n’ont pas conservé leur nationalité, on arrive à 7 ou 8 millions. Ceux-là mêmes qui ont cessé d’être Italiens au point de vue de l’état civil, continuent, au moins pendant une génération ou deux, à entretenir avec leur pays d’origine des rapports de toute nature dont il profite. Ceux qui ont été chercher fortune avec esprit de retour envoient à leur famille, restée au foyer natal, une partie de leurs salaires ou de leurs gains. Ces remises forment des totaux considérables, plusieurs centaines de millions de francs par an. C’est en partie grâce à elles que le change italien, vers la fin du XIXe siècle, se rapprocha du pair et s’y maintint jusqu’en l’année 1914. Ces émigrans répandus à travers le monde constituent la meilleure part de la colonisation italienne, qui a plutôt réussi sous cette forme que sous celles des colonies proprement dites, dont le développement n’a pas été rapide.

Celles-ci comprennent l’Erythrée, dont l’origine remonte à