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exemple, que l’on fait la récolte en Australie, dans la Nouvelle-Zélande, dans le Chili, dans la République Argentine ; c’est en février et mars que les Indes britanniques et la Haute-Egypte coupent les blés.

Supposez que les évaluations faites ou les réalités constatées permettent de prévoir ou de préciser, soit un déficit, soit une augmentation de la production de ces pays qui sont tous exportateurs. Immédiatement ces renseignemens exercent une influence sur la cote du blé dans le monde entier. La consommation, en effet, a des exigences régulières ; il faut qu’elle soit assurée — période par période — dans les pays importateurs notamment. Dès lors, l’annonce d’une mauvaise récolte dans les Indes ou en Australie déjoue les prévisions ordinaires, réduit les disponibilités connues ou escomptées, et provoque la hausse, de même qu’une bonne récolte annoncée, à pareille époque, eût déterminé un fléchissement des cours.

Sans doute, il y a compensation le plus souvent entre les réductions et les augmentations de la production du blé à la surface du globe ; le total de cette production reste à peu près constant, mais, à chaque époque spéciale correspondant à une grosse moisson, les marchés sont impressionnés par les bonnes ou mauvaises nouvelles.

Que s’est-il passé précisément depuis le mois de janvier 1915 ? M. Asquith l’a dit récemment. On a constaté, affirme-t-il, un déficit de la récolte indienne et australienne en même temps qu’un retard de la moisson d’Argentine. Or, ces trois récoltes ont lieu durant les premiers mois de chaque année, de janvier à mars ! La brusque montée des cours, soit à l’étranger, soit en France, se trouve donc expliquée.

Un autre fait explique et justifie la hausse sur les marchés européens : il s’agit de l’augmentation excessive des frais de transport par mer. Le fret de New-York ou de Buenos-Ayres à Liverpool a quintuplé. Il a même passé de 9 à 46 francs et de 12 à 91 francs par tonne, entre les mois de juillet 1914 et de février 1915[1] ! Il est clair que le prix de revient des fromens étrangers dans les ports d’Europe se trouve relevé, et, d’autre part, les détenteurs de blés indigènes, — commerçans ou cultivateurs, — bénéficient d’une hausse, puisque l’acheteur ne peut

  1. Voir le Bulletin de l’Institut international d’Agriculture (prix des frets maritimes), mars 1915.