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centres principaux de consommation. On a renoncé presque complètement, chez nos voisins, à l’introduction du bétail étranger vivant. Les pertes de poids sont en effet, notables à la suite d’un voyage par terre sur les lieux de production, et d’une traversée qui éprouve cruellement le bétail sur pied. D’autre part, les frais de transport sont bien plus élevés quand on importe des animaux vivans, puisque le rendement en viande nette d’une bête de boucherie dépasse rarement 50 pour 100 de son poids vif. Voilà pourquoi il convient d’accueillir avec les plus expresses réserves un projet que la Chambre vient de voter et qui permettrait à l’État d’acheter 100 000 bœufs sur pied.

Comme on le voit, les Anglais avaient depuis longtemps résolu le problème que nous posons aujourd’hui dans notre pays, et, pour satisfaire aux demandes de la clientèle britannique, des usines spéciales ont été créées dans les pays de production. Elles ont pour objet d’abattre et de préparer les animaux, puis de refroidir les quartiers de viande qu’ils fournissent. Enfin, l’élevage lui-même a pris un essor extraordinaire pour profiter des débouchés lucratifs qui lui étaient désormais ouverts.

Qu’avions-nous fait en France durant la même période ? Nous nous étions contentés de tolérer l’introduction du bétail sur pied venant d’Algérie et de Tunisie. Nul effort sérieux n’avait permis d’utiliser les ressources que nous offrait l’élevage important auquel se livrent nos sujets coloniaux de l’Afrique occidentale ou de Madagascar.

Quant à l’importation des conserves ou des viandes frigorifiées venant des pays neufs, de l’Australie et de l’Amérique du Sud en particulier, nous l’avions soigneusement écartée en les taxant a la frontière ou en imposant aux expéditeurs, — pour des raisons d’hygiène assez discutables, — des formalités équivalant à des prohibitions ! Notre marine marchande n’était pas outillée, — faute de débouchés et de cliens, — pour transporter des viandes congelées ou refroidies, et nulle organisation industrielle à l’intérieur du pays ne permettait d’assurer, dans des entrepôts frigorifiques, la conservation des viandes importées. Sans nul doute le protectionnisme intransigeant qui a dicté ses lois au pays depuis 1890 est surtout responsable de cet état de choses dont nous constatons aujourd’hui tous les