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effectifs de nos bêtes à cornes presque exclusivement. Quel esprit droit pourrait s’étonner de ce fait et admettre que notre mobilisation ne doit pas comporter des pertes extraordinaires ? La population civile souffrira de la hausse du prix de la viande ou devra réduire sa consommation. La guerre comporte des sacrifices et des souffrances. Nul n’y contredit. On peut et l’on doit chercher cependant à limiter les uns et à calmer les autres. Si la puissance financière de la France autorise de pareilles avances, il convient assurément d’acheter au dehors les viandes ou le bétail dont nous avons besoin. Rien de mieux.

Ce qui nous paraît dangereux, à ce propos, ce sont les formes de l’intervention de l’Etat, et, on peut le dire sans exagération comme sans parti pris de « théoricien, » c’est l’arbitraire imprudent de cette intervention qui se propose de créer de toutes pièces une industrie et un commerce de viandes, pour une longue période de cinq années, en acceptant des responsabilités financières dont il n’est même pas capable de préciser l’étendue.

C’est d’une autre façon que la puissance publique doit comprendre son action. Elle doit surtout aider les activités libres et leur garantir cette liberté, tout en se réservant le rôle principal ou unique quand il s’agit de la défense nationale, c’est-à-dire de l’alimentation des troupes.

On ne remplace jamais les collaborateurs que le commerce et l’industrie offrent par milliers, quand il y a lieu de pourvoir aux besoins de la consommation civile.

Au milieu d’une pareille crise, l’État, qui se confond, en fait, avec ses agens, ne saurait assumer toutes les tâches. Limiter son action, c’est le seul moyen de la rendre utile et efficace.


D. ZOLLA.