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Inquiéter la police, qui surveille toutes tes démarches et te faire arrêter. Il faut que tu saches un fait positif, c’est que le grand-duc de Baden a donné, sans qu’on la lui demande, l’autorisation d’arrêter dans ses États tous les gens suspects qui pourraient être compromis dans cette incroyable conspiration… Le Prince est traité avec beaucoup d’égards, on a adouci sa position autant que possible, il est meublé et logé aussi bien qu’on a pu, très bien nourri ; il a des livres et peut écrire, et Charles est près de lui. Tout ce que je dis ici dans ma lettre ce sont des faits positifs… C’est avec la conviction intime que j’agis pour ses intérêts que je te prie de retourner près de la Reine ou du moins de quitter le Grand-Duché. Je sais qu’en très hauts lieux, on n’est ni très irrité, ni disposé à la sévérité, mais les circonstances peuvent changer ces bonnes dispositions… Tenter de faire évader le Prince serait aussi fou que sa tentative de faire une révolution en France avec M. Vaudrey et M. Parquin ! Une chose qui arrangerait beaucoup les affaires du Prince, c’est que rien ne pût faire supposer que la Reine était instruite de ses projets. Quand je te disais à Arenenberg que j’avais des raisons pour penser que le Prince se remuait et conspirait, tu ne voulais pas me croire ou tu feignais de ne rien savoir. Ah ! s’il avait écouté les avis qu’on lui a fait donner, il y a quatre mois, il ne serait pas dans cette affreuse position !

… On a su que tu es venue à Strasbourg ; on a su que Charles est venu deux fois chez moi ; que le domestique de M. de Persigny y est venu, celui du colonel Vaudrey. Quand je dis on, c’est de la police et du Procureur général que je parle. Toutes mes lettres sont ouvertes… Cette intrigante de Mme Salvage est le mauvais génie d’Arenenberg. Je suis sûre que c’est elle qui a poussé à la roue, et, si j’ai une consolation, c’est de penser que tu ignorais ce qui se méditait. Qu’allez-vous devenir ? Quelle sera l’issue du procès ? pourrez-vous encore demeurer en Suisse ?


Laure à Valérie.

Strasbourg, 10 novembre.

… J’ai vu hier Mme Vaudrey. Voilà une douleur qui passe toute douleur, elle m’a navré le cœur, sa position est ce qu’on