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n’a jamais voulu en profiter. Un geôlier lui a apporté les clés en lui disant qu’il ne demandait que de l’emmener avec lui. Il a répondu qu’il accepterait si MM. Parquin et Vaudrey pouvaient sortir avec lui. Comme cela n’était pas possible, il est resté. Un colonel de la citadelle est venu lui dire : « Que ne vous êtes-vous adressé à nous ? » … Charles apportait à la Reine l’uniforme que le prince portait ce malheureux jour, et qui est percé au bras d’un coup de baïonnette sans qu’il ait été blessé.


Mardi 20 décembre.

Le soir, les gazettes annonçaient que l’Andromède (frégate qui emmenait le Prince) avait été poussée par les vents sur les côtes d’Espagne, et qu’elle était parvenue à se réfugier dans un port, mais qu’on ne savait pas lequel. Ce peu de mots réalisait les craintes que nous donnaient ces vents affreux, nous faisant passer de si mauvaises nuits. La Reine en a pâli, j’ai fondu en larmes, et, malgré toutes les interprétations rassurantes de ces messieurs, nous éprouvions un vif chagrin. Mme Salvage ne l’a pas dissipé entièrement en nous lisant une lettre qu’elle venait de recevoir de M. de Beauharnais. Il avait été au ministère de la Marine ; on lui avait dit qu’il y avait eu beaucoup de craintes, beaucoup de fatigue, beaucoup de souffrances, beaucoup de dégâts dans les agrès, mais qu’aucune personne connue n’avait péri. On ignorait le port, — le gouvernement ne voulant pas qu’on le sache. Le dimanche 18, on a envoyé, le soir, une copie de la brochure de M. de Persigny au colonel Dufour, dans des blondes adressées à sa femme ; il doit la remettre à M. Fazi, pour la faire imprimer à Genève. Cet emballage était fini. Nous étions tous tristes du sort de l’Andromède et de tant de malheureux Français dans cette malheureuse expédition de Constantine ! Nous pensions déjà à nous coucher, quand arrive M. Bohle, le secrétaire du prince de Montfort, venant dire que son prince était à Stuttgart et ne passerait pas ici, parce que le roi de Wurtemberg l’engage à ne pas le faire pour ne pas se compromettre… Pendant que M. Bohle contait à demi-voix à la Reine les raisons de son maître, MM. Coltrau et Visconti l’arrangeaient joliment, ainsi que ses frères. La Reine a dû en souffrir, quoiqu’elle n’en témoigne rien. Jérôme a vendu pour rien tous les bijoux qu’il avait emportés à Londres. Il paraît qu’il y