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Ces explosifs solides sont en fait les seuls employés : cela tient d’abord à ce qu’ils sont plus facilement maniables et moins encombrans à poids égaux que ne le seraient des explosifs gazeux. Cela tient aussi à ce qu’un explosif primitivement solide augmentera évidemment beaucoup plus de volume qu’un explosif gazeux, puisque, toutes choses égales d’ailleurs, à l’expansion gazeuse due à la combustion s’ajoutera, pour le premier, l’expansion énorme correspondant à son passage de l’état solide à l’état gazeux.

J’ai déjà expliqué que la combustion est la combinaison de l’oxygène (corps comburant) avec un corps combustible. Il y a un grand nombre d’élémens combustibles qui se combinent à l’oxygène avec grand dégagement de chaleur. Mais, pour que la combustion soit explosive, il faut que ses produits oxygénés soient volatils (ce qui n’est pas, par exemple, le cas lorsque les corps combustibles sont des métaux, puisque la plupart des oxydes métalliques sont des corps solides). Seuls un petit nombre d’élémens remplissent pratiquement cette condition : ce sont l’hydrogène, qui forme avec l’oxygène de la vapeur d’eau, le carbone, qui forme de l’acide carbonique et de l’oxyde de carbone, le soufre, qui forme du gaz sulfureux. Le plus énergique de ces comburans est l’hydrogène, mais, comme il est naturellement gazeux, on l’emploiera combiné à d’autres corps sous forme liquide ou solide, et de préférence combiné à cet autre excellent combustible qu’est le carbone. Or, précisément, il existe d’innombrables combinaisons solides ou liquides, qu’on peut obtenir facilement, du carbone et de l’hydrogène : c’est l’innombrable série des carbures d’hydrogène dont j’ai naguère entretenu mes lecteurs. C’est pourquoi c’est toujours parmi ces corps que l’on recrute, comme nous le verrons, les élémens essentiels des explosifs.

Voilà pour le combustible. Reste le comburant, l’oxygène. On ne peut songer à employer celui-ci directement, puisqu’il est normalement gazeux[1], comme l’hydrogène ; on l’emploiera donc comme celui-ci, combiné avec quelque support sous forme d’une substance liquide ou solide. Les supports les plus communs de l’oxygène sont le chlore et l’azote (avec lequel il forme l’acide azotique ou nitrique, les nitrates, les oxydes de l’azote, etc.). L’azote sera préféré au chlore parce qu’il est plus léger, c’est-à-dire qu’il sera à poids égal d’un rendement oxygéné meilleur. Et c’est ainsi que l’acide nitrique et les nitrates

  1. Notre éminent ami M. Georges Claude a fabriqué dès avant la guerre des explosifs formidables dont le comburant était constitué par de l’oxygène liquide, liquéfié par ses beaux procédés dont nous avons parlé ici même.