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second acte du Freischütz, l’épisode de la Gorge aux Loups et de la Fonte des balles. Ailleurs encore, dans ces purs monumens du passé, d’un passé grec, ou gréco-latin, que sont les opéras de Gluck, apparaissent, çà et là, quelques symptômes de l’avenir allemand. On les a mainte fois notés. Mais ils sont rares, et, comme dit l’autre, notre remarque subsiste. Sur le fond du génie de Gluck, sur son âme, il n’est rien, ou presque rien, que nos ennemis puissent prétendre. Tout leur est étranger, tout leur est interdit, des radieuses histoires, légendes ou fables de la Grèce. Le sang d’Hellas ne coule pas dans leurs veines ; ils ne sont pas les fils de ses héros, de ses rois et de ses dieux.

Il existe une autre nation que nous pouvons admettre, et nous le faisons volontiers, au partage, — inégal d’ailleurs, entre elle et nous, — du génie et de l’œuvre de Gluck : vous avez nommé l’Italie. On sait quelle éducation, puis quelle production italienne (une trentaine d’opéras environ), précéda la création française et tardive de Gluck. Jusqu’à son arrivée parmi nous, le parler italien fut le seul qu’il chanta. Pour l’unique Armide, fille de la poésie italienne, il trahit les héroïnes antiques. Deux de ses chefs-d’œuvre français, Orphée et Alceste, ne furent pas nôtres tout d’abord et le devinrent sans peine, au prix de retouches ou de corrections qui n’ont rien d’une refonte, ou d’une réforme radicale, encore moins d’un désaveu. Le style primitif, italien, y subsiste encore et n’y fait pas disparate. C’était un Italien, ce Ranieri di Calzabigi, le librettiste d’Orfeo ed Euridice, dont l’influence dramatique, pour avoir été moindre que le poète lui-même ne l’a prétendu, ne fut cependant pas sans effet sur le musicien. Nous avons étudié, naguère, les origines italiennes d’Orphée. Elles remontent aux premiers drames lyriques de Florence et de Venise. D’autres que nous ont mis à nu dans le répertoire de Gluck les attaches ou les racines de l’italianisme ancien. Nombreux, et curieux, sont les reports ou les transferts mélodiques, de telle œuvre italienne oubliée, dans tel chef-d’œuvre français immortel. M. Julien Tiersot rapporte maint exemple de ces rappels ou de ces emprunts incontestables, et qui ne détonnent pas. Après nous avoir donné l’analyse d’un opéra de Gluck, un de ses opéras purement italiens, Demofoonte, le biographe ajoute : « L’auteur des Iphigénie sera tout autre que celui de Demofoonte. » Mais aussitôt il se repent et se reprend : « Tout autre ? Cela n’est pas si sûr. » Et rien de moins certain en effet, témoin le dénombrement auquel procède alors notre érudit confrère, des scènes ou fragmens de scènes, ou, plus exactement, des airs, des mélodies, reprises au Gluck des opéras italiens par le Gluck, renouvelé, mais